Lors d'une récente rencontre avec les membres du Conseil général de la planification, Mouammar Kadhafi a invité les Libyens à reconnaître les « erreurs passées» et à opérer une «vaste révision» de l'action de toutes les institutions de son pays. Changement de situation en Libye ou simple changement de discours ? Dans les deux cas, il était rare de voir l'indéboulonnable Mouammar Kadhafi sortir de la ligne «révolutionnaire» qu'il a tracée à la Grande Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste. Lors d'un récent discours devant les membres du Conseil général libyen de la Planification, le «Guide» a appelé à «une vaste révision» de l'action des institutions de son pays, invitant également les planificateurs du pays à «surmonter les erreurs passées». Ce ton, pour le moins inhabituel dans la bouche du «père de la Révolution», rappelle curieusement les sorties publiques « iconoclastes» du fils Saïf al-Islam, président de la Fondation Kadhafi pour le développement (FKD). Dimanche dernier, lors d'une rencontre avec de jeunes Libyens à Syrte (centre de la Libye), Saïf al-Islam a annoncé un ensemble de réformes. Sur le plan de l'économie, un vaste et néanmoins ambitieux programme de mise à niveau se met en place : plans d'investissement dans tous les domaines agricole, industriel, financier, pétrolier, gazier… Au niveau social, Saïf al-Islam a annoncé ce qui peut être un véritable plan de salubrité publique : hausse du salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG) à 200 dinars libyens (1,250 dinar = 1 dollar américain) dans les sociétés publiques et 250 dinars dans les entreprises privées ainsi que l'alignement du salaire des Libyens travaillant dans les sociétés étrangères sur ceux de leurs collègues étrangers ; promotion des projets d'investissement du secteur privé dans l'habitat et simplification des procédures ; construction de 420.000 logements au profit des salariés à revenu modeste… S'agissant des médias, le président de la FKD a affirmé, dans son discours qui a suscité un vif intérêt chez l'opinion publique libyenne, la libéralisation du secteur de la presse et le retour de la distribution dans les kiosques libyens des journaux et magazines arabes et étrangers. Sur le volet de la communication, les Libyens s'attendent à la privatisation du secteur. Saïf al-Islam a, à ce propos, annoncé la mise à disposition d'Internet dans chaque foyer libyen. Que faut-il encore demander? Le fils de Kadhafi, qui s'est illustré par ses actions humanitaires internationales, a réussi non seulement à requinquer l'image d'une Libye diabolisée pour son soutien présumé au terrorisme ; il a également pu rallier une jeune population libyenne en panne de repères, depuis l'effondrement du bloc soviétique. Quelle conclusion tirer de l'action de Saïf al-Islam ? Le fils aîné est-il en train de préparer l'après Kadhafi ? Après avoir réussi à rallier les puissants du monde, de Paris à Washington en passant par Londres, enthousiastes à l'idée de plébisciter ce jeune Libyen moderniste et occidentalisé, acquis aux valeurs humanistes de paix et de tolérance, Saïf al-Islam tente aujourd'hui de faire de même sur le front intérieur en se présentant comme une alternative à un système politique éculé et en mal d'adaptation à un environnement international en évolution constante. Le «père de la Révolution», lui, voulait changer la vie, il paraît qu'il se contente aujourd'hui de changer d'avis. En invitant à «une vaste révision» de ses institutions, il a admis «les erreurs passées» de son régime. Un régime appelé, aujourd'hui plus que tout autre temps, à faire son autocritique, à la faveur du vent de changement qui souffle sur le monde. Il y va du bien-être de Libyens qui veulent tout simplement vivre dans leur temps.