La Libye a annoncé, mercredi, sa décision d'abandonner la présidence de l'Union du Maghreb arabe, avançant comme argument le non-respect de la charte de l'UMA par certains de ses membres. Par cette décision, la Libye montre au monde que l'UMA existe. Elle abandonne la présidence d'une instance qui n'a jamais fonctionné depuis sa création en 1989. Rien que par ses statuts, l'UMA, exigeant l'unanimité de ses membres, permet à l'un d'eux, dont les différends sont nombreux, de la paralyser. Ce n'est pas la première fois et ce ne sera certainement pas la dernière que la Libye surprend le monde par des décisions inattendues. Tout le monde se souvient lorsque Kadhafi avait décidé de tourner le dos aux « Arabes » pour se noyer complètement dans le continent africain. Vers la fin des années 90, la Grande Jamahiriya libyenne est sous le coup de l'embargo onusien après l'attentat de Lockerbie et la destruction de l'avion d'UTA au-dessus du désert de Ténéré qui lui sont imputés. Le pays est isolé. Ne pouvant compter sur la solidarité arabe, le leader de la Révolution libyenne se tourne vers l'Afrique. L'Organisation de l'unité africaine (OUA), dont son pays est membre, est en vie, mais bat de l'aile. C'est une aubaine pour le chef de l'Etat libyen. En septembre 1999, à Syrte, sa ville natale, le colonel Kadhafi met les petits plats dans les grands pour organiser un Sommet extraordinaire de l'organisation panafricaine. Cette rencontre se termine par la naissance de l'Union africaine (UA) dont la finalité est, selon son entendement, le panafricanisme, avec la création d'un seul Etat africain. Mais n'étant pas encore en odeur de sainteté avec la communauté internationale, le Guide de la Jamahiriya libyenne est court-circuité. De ce fait, il met tout son espoir dans la CEN-SAD, la COMESSA (Communauté des Etats sahélo-sahariens) qui deviendra plus tard CEN-SAD (en arabe), pour éviter la confusion avec le Marché commun de l'Afrique australe et orientale (COMESA, en anglais). Retour de l'ascenseur, cette organisation prend fait et cause pour lui et décide, en 1999, de boycotter l'embargo onusien. Sachant qu'on n'attire pas les mouches avec du vinaigre, Kadhafi est aux bons soins de ses alliés de la Communauté. D'où l'expansion géographique remarquable de ses membres, au point que si la CEE, devenue Union européenne, a attendu 44 ans pour rassembler 25 pays, il n'aura fallu que six ans à la CEN-SAD pour réaliser l'exploit de rassembler 22 Etats; montrant ainsi la fragilité de cette organisation qui ressemble à un château de cartes dans la mesure où elle ne repose que sur le colonel Kadhafi et sa manne pétrolière. Depuis maintenant quelques années, le colonel Kadhafi redessine ainsi les contours d'une nouvelle politique étrangère. Il ne cherche plus à provoquer la communauté internationale mais tout simplement à briser son isolement. Avec pour obsession de normaliser ses relations extérieures et de réintégrer le système international. En août 2003, quelques mois après la chute de Bagdad, la Libye accepte de dédommager les familles des victimes du vol Pan Am à hauteur de 2,7 milliards de dollars payables en trois parties, chaque paiement correspondant à une levée définitive des sanctions onusiennes et occidentales contre Tripoli. Cette somme, comparée à la modicité des indemnités accordées en 1999 aux familles des victimes de l'UTA, amène ces dernières à renégocier leur montant. Et ce n'est qu'en janvier 2004 qu'un accord final fut trouvé entre les deux parties. Mais la grande surprise des « décisions » libyennes vient du journal israélien « Yediot Aharonot » qui parle de « l'ébauche de nouvelles relations avec la Libye, qui a adressé une invitation officielle au vice-président de la Knesset, Moshe Kahlon, député du Likoud, pour se rendre à Tripoli. L'objet de cette visite serait de faire le point sur les biens laissés par les juifs en Libye alors qu'ils ont définitivement quitté ce pays. Kahlon, qui est lui-même originaire de ce pays, a confirmé avoir récemment rencontré à Londres des représentants du chef libyen, Mouammar Kadhafi. Il n'exclut pas de répondre positivement à cette invitation et pense pouvoir se rendre à Tripoli à la fin du mois de décembre 2004. ». Quoi qu'il en soit, maintenant la Libye est soi-disant de nouveau réadmise dans le concert des nations, au prix d'une rançon humiliante et d'un abandon de tous les principes anti-américains, antisionistes, panarabes, etc., qui avaient fondé la Révolution de 1969. Mais pourquoi se rabattre sur l'UMA, abandonnant la présidence pour des raisons qui puisent leur fondement justement dans les principes « abandonnés » par sa nouvelle attitude politique qualifiée sournoisement par la presse arabe de « soumission préventive » ? Officiellement, la Libye reproche à certains membres de l'Union de « violer » sa charte. « Nous allons abandonner la présidence de l'UMA en raison de sa paralysie et du non-respect de la charte par certains membres » de cette organisation, dont le dernier Sommet remonte à 1994, écrit le ministère libyen des Affaires étrangères. Après tout, c'est peut-être vrai que Kadhafi n'accepte le changement que dans la nécessité et il ne voit la nécessité que dans la crise.