Les veuves des martyrs du Sahara marocain ont été privées, depuis deux ans, de la couverture médicale. Les familles des 1261 militaires encore détenus à Tindouf ont été désagréablement surprises par la réduction de 20 % de leurs salaires, en ce début de l'année. Signe d'une indifférence mortelle à petit feu, l'association des fils des prisonniers et disparus du Sahara marocain n'a pu voir le jour que le 13 novembre 1999. Soit presque un quart de siècle après le déclenchement de la guerre avec le Polisario via l'Algérie et autant d'années après la détention des premiers militaires marocains. La politique politicienne a écrasé l'humanitaire. L'Etat nie et renie, avec une insolence inouïe, l'existence des prisonniers marocains dans les camps de Tindouf. À tel point que, pendant plus de vingt ans, le monde entier était au courant de la détention des militaires marocains par les officiers algériens sauf l'opinion publique nationale qui subissait un embargo inimaginable sur le sort de ses braves fils. Toute information sur ce sujet était taboue. Personne parmi les politiques ou les médias n'osait s'aventurer sur ce terrain. Ce qui gênait aux entournures, c'est que cette attitude incroyable et incompréhensible a poussé la majorité des Organisations internationales des droits de l'homme à appliquer la loi de l'Omerta sur les détenus de Tindouf. C'est insensé, d'autant plus que les détenus marocains représentent un cas unique dans les annales des prisonniers de guerre de l'histoire du monde. Les militaires marocains sont les plus vieux prisonniers du monde que la communauté internationale a jeté dans les oubliettes. Ils ont été ignorés pendant plus de vingt ans avant que des voix ne commencent à s'élever pour condamner leur situation déplorable et réclamer leur libération. Quant à la position de l'Etat marocain, elle n'est pas seulement restée à la traîne, mais les pouvoirs publics ont poussé l'effronterie jusqu'à refuser d'accueillir un groupe de détenus libérés en 1995. Le président de l'association nationale sociale des fils de martyrs et des disparus du Sahara marocain, Brahim Hajjam, en a la preuve par le témoignage des concernés. Au jour d'aujourd'hui, les camps de la honte de Tindouf comptent encore 1261 prisonniers sans oublier les 600 militaires portés disparus par ladite association. Ceux qui ont été libérés ces dernières années par petits groupes ont découvert un autre monde différent de celui qu'ils ont laissé avant leur détention et qui leur est maintenant totalement indifférent. Mais l'Histoire a fini par rattraper une époque que l'on voulait enterrer, à jamais. Par la force des choses et la pression des organisations mondiales, l'Etat marocain a fini par reconnaître l'existence de ces prisonniers. Mais le mal était déjà fait. Les pauvres familles avaient souffert le martyre jusqu'à la lie pendant toutes ces années de privations matérielle et morale. Durant plus de 24 ans, les pouvoirs publics ont fait entretenir un espoir fou aux familles des disparus. Il a fallu attendre l'année 2001 pour que l'administration daigne annoncer aux 601 familles que leurs proches sont morts depuis on ne sait quand. Pis encore, et toujours selon le président de l'association, Brahim Hajjam, qui est lui-même fils d'un prisonnier, l'administration a infligé aux familles toutes sortes de mépris durant ces longues années de calvaire. Même le maigre salaire que les proches percevaient, et qui pour certains ne dépasse pas 650 dirhams par mois, a été réduit pour des raisons qui se sont avérées trompeuses. L'administration faisait savoir aux concernés que la tranche défalquée, qui varie entre 300 et 800 dirhams, était destinée à alimenter une caisse pour rembourser les détenus libérés. Ceux qui ont retrouvé les leurs n'ont jamais récupéré le reliquat de leurs salaires. Pire, les veuves des martyrs ont été privées de couverture médicale depuis deux ans. Et pour boucler la boucle, les familles des 1261militaires encore détenus à Tindouf ont reçu un beau cadeau de fin d'année. L'administration les a tout simplement avisés en ce début janvier que les salaires qu'elles percevaient seraient réduits de 20 % à partir de ce mois. Il faudrait vraiment faire un cauchemar pour croire à cette réalité amère. Ceux, parmi les prisonniers, qui ont regagné la mère patrie n'ont pas mis longtemps pour constater l'état déplorable de leurs familles et surtout la non-reconnaissance de leur sacrifice. Comme le détenu Ouazigh Ali dont la santé a été lourdement affectée par les conditions inhumaines de détention jusqu'à devenir paralysé. Il a supporté son handicap pendant dix ans dans une prison où ses geôliers lui tartinaient le corps avec de la confiture pour qu'il soit la proie des moustiques et autres abeilles. Même dans les films d'horreur, on ne voit pas cette barbarie. Sorti de prison et enfin libre, il n'a eu pour récompense que l'air frais de son pays et qu'il peut maintenant respirer de pleins poumons. L'administration lui a promis de mettre à sa disposition des infirmières qu'il n'a jamais vues. Il n'a dû son salut qu'à la bienfaisance d'une association caritative qui lui a fourni une chaise roulante pour pouvoir se déplacer. C'est insensé, mais c'est terriblement vrai. Quant aux civils qui ont été capturés dans des embuscades et qui ont passé plus de deux décennies en prison, ils sont légion mais personne n'en parle. À l'instar de Mohamed Laghrissi, un mécanicien qui a purgé plus de 24 ans dans les fosses de Tindouf pour avoir été mécanicien à Laâyoune. Dans ce chapelet de malheurs, chaque jour de nouveaux exemples d'épreuves et de souffrances nous révèlent l'ampleur de l'injustice causée, hélas, par les plus proches.