Entretien avec Chafik Chraïbi, président de l'Association marocaine de lutte contre l'avortement clandestin ALM : Qui sont ces femmes qui se font avorter ? Chafik Chraibi : Toutes les catégories de femmes. Nous remarquons qu'il y a autant de femmes mariées que non mariées. Il n'est donc pas question uniquement de jeunes filles célibataires mais aussi de beaucoup de femmes mariées et qui veulent avorter. Il y a 3 catégories sociales : la première catégorie est composée de personnes aisées, et qui a la possibilité de prendre un avion pour se faire avorter dans un pays où l'avortement est complètement autorisé. La deuxième catégorie représente la classe moyenne, qui peut se permettre de se faire avorter chez un médecin. Elle peut payer entre 2.000, 3.000, voir 10.000 DH. Il est vrai que c'est moins dangereux, mais pas sans risques dans la mesure où l'avortement n'est pas toujours réalisé par un gynécologue et pas sous une bonne anesthésie. La troisième catégorie est la plus démunie, elle ne peut pas se payer un avortement médical. Elle opte donc pour un avortement traditionnel et c'est là où il y a des complications : hémorragies, infections et septicémies... Comment s'effectuent ces IVG ? Certains le font à l'étranger, certains par les médecins et d'autres de façon traditionnelle. Dans les pays où l'avortement est légalisé, 70% des avortements se font via des comprimés et les résultats sont excellents. On n'a même plus besoin de faire de curetages ni d'aspirations, les comprimés à eux seuls peuvent interrompre une grossesse. Au Maroc, ces comprimés sont disponibles au niveau des hôpitaux mais pas auprès des pharmacies. Ils sont vendus de façon clandestine et à des prix élevés. Le code pénal l'interdit sauf en cas de force majeure, mais de nombreux gynécologues le pratiquent. Selon vous, est-ce pour l'argent ou la cause humaine ? Je ne leur jette ni la pierre ni la fleur car au final ces médecins rendent un service. Imaginez qu'ils refusent d'avorter dans certains cas, ils pourront se retrouver face à des complications graves. Il y a eu d'ailleurs un article publié en Italie, pays où l'avortement est tout à fait légal mais où les médecins refusent de le pratiquer. L'Etat a donc fait une circulaire leur demandant de faire appel à l'avortement vu qu'ils ont remarqué qu'il y avait des conséquences désastreuses dues à la non pratique de cette opération. Comment définir la contraception d'urgence? C'est une méthode contraceptive de rattrapage, qui consiste en la prise d'un comprimé, le plus rapidement possible, après un rapport sexuel, non protégé et supposé fécondant. Il en existe deux types en vente libre en pharmacie : la pilule Norlevo et la pilule EllaOne. Quels sont les effets secondaires les plus courants? Quelques nausées, vomissement, migraines, spotting et parfois un léger retard des règles, dans ce cas si le retard dépasse huit jours il faut consulter et faire un test de grossesse. L'efficacité de la contraception d'urgence est-elle de 100%? Non elle n'est pas de 100%. Tout dépend de quelle pilule il s'agit, pour le Norlevo elle est de 97.3% alors que pour l'EllaOne elle est de 99.1%. On note donc que cette dernière est trois fois plus efficace que la première. Il est à noter aussi que la pilule est d'autant plus efficace quand le comprimé est pris aussitôt après le rapport, et que pour le Norlevo on peut l'utiliser jusqu'à 3 jours après alors que pour l'EllaOne on peut aller jusqu'à cinq jours.