Rendu public en fin de semaine dernière, le rapport 2004 d'Europol fait état de l'expansion que connaissent les groupes marocains de crime organisé et des différents contacts qu'ils entretiennent avec des groupes européens. Lecture. Le Maroc serait un pays où les réseaux de crime organisé (CO) seraient en continuelle expansion, développant plusieurs formes de contact avec des groupes européens. L'affirmation paraît à la limite du croyable, tellement les réseaux criminels marocains semblent sous-développés par rapport à la longue tradition qu'ont certains pays, notamment l'Italie, la Russie pour ne citer que les nations où la mafia, caractéristique socio-culturelle, est une structure avec laquelle il faut compter dans tous les domaines. Il n'en demeure pas moins que cette thèse émane de l'un des services policiers les plus performants dans le monde, à savoir Europol, l'Office européen de police et l'équivalent continental d'Interpol. Crédible, l'information n'en est que plus inquiétante. Cité par cette instance européenne dans un rapport annuel de 27 pages rendu public récemment, le Maroc serait bien avancé en matière de crime organisé. Le temps des petits trafiquants, prenant appui sur des pratiques comme la corruption, pour passer leur résine de cannabis semble avoir cédé le pas devant des structures bien plus développées. D'après le rapport 2004 d'Europol, et outre la spécialité locale en matière d'immigration clandestine, les groupes marocains de crimes organisés jouent un rôle majeur dans l'importation de la résine de cannabis (le haschisch) à l'Union européenne. Si le fait relève désormais du banal, l'écart que creusent les groupes marocains par rapport à leurs nombreux concurrents, issus de pays comme l'Albanie, le Pakistan et l'Afghanistan également très actifs dans ce domaine, est néanmoins à souligner. «Le Maroc reste, et de loin, la principale source du cannabis en direction des pays de l'UE», peut-on lire dans ce rapport. Les groupes marocains se taillent la part du lion en matière de trafic de cannabis avec 65% du total de résine de cannabis écoulée en Europe. Une estimation basée sur le total de 900 tonnes que les services européens de sécurité ont saisies en 2003. Mieux encore, les groupes marocains semblent vouloir élargir leur rayon d'activité. Le rapport va même jusqu'à suggérer que des groupes marocains seraient fortement impliqués dans le trafic de cocaïne et autres drogues synthétiques dans plus d'un pays de la communauté européenne. Un trafic que ces groupes contrôlent cependant dans une moyenne mesure, en tout cas moindre que celle de groupes israéliens et dominicains. En termes d'organisation, les groupes marocains de crime organisé sont d'une structure clanique. Ils prennent appui sur les anciens réseaux de trafic de drogue et sur des notabilités locales. Chaque clan travaille indépendamment des autres, à travers une séparation étudiée des zones et des types d'opérations entre les différents groupes. Mais cela n'empêche qu'ils font appel les uns aux autres, «chaque fois qu'un type d'opération requiert l'exécution de tâches spécifiques». Soulignant l'esprit de mondialisation qui règne dans les milieux de crime organisé, le rapport insiste sur les différentes formes de «contact» que des groupes issus des différents pays européens avec des groupes soit de l'Europe de l'Est, soit d'Amérique latine ou encore de la rive sud de la Méditerranée, dont certains des principaux acteurs ne sont autres que des groupes marocains. «De nombreux liens existent entre les groupes du CO au sein de l'UE, de même qu'entre des groupes répartis dans le reste du monde, dans des pays tels que le Canada et les USA, la Chine, la Colombie, l'Iran, le Maroc, le Nigeria, le Pakistan, le Surinam, la Turquie et le Vietnam», note la Commission dans un communiqué publié jeudi dernier. Ces contacts demeurent cependant, et dans une large mesure, limités aux pays membres de l'UE notamment les Pays-bas, l'Allemagne, l'Italie et la Grande-Bretagne. A une exception près. Les groupes marocains sont les rares, si ce n'est pas les seuls, en dehors de la communauté européenne à avoir des contacts permanents avec des groupes européens, notamment français, belges, espagnols et hollandais. Notant que la criminalité devient une menace de plus en plus grande, effet mondialisation oblige, le rapport observe en particulier la forte coopération entre les groupes de criminalité organisée au niveau international. Une coopération qui ne cesse de s'intensifier avec une diffusion géographique plus large de ces liens et où le Maroc semble de plus en plus jouer un rôle de plate-forme.