Le point de presse, donné mardi, par le Procureur général du Roi près la Cour d'appel de Casablanca, M. Abdellah Alaoui M'Daghri relatif au démantèlement d'une cellule d'Al-Qaida au Maroc, a été particulièrement couru. Une centaine de représentants de la presse nationale et internationale, ont dû longtemps ronger leur frein en attendant le magistrat. Les révélations valaient le détour. Les révélations du Procureur seront à la mesure de la longue attente des journalistes. Le groupe composé de sept personnes (trois ressortissants Saoudiens et quatre Marocains dont trois femmes) était en passe de mettre en oeuvre un plan de destruction de biens étrangers au Maroc. Deux autocars de la Compagnie de Transport (C.T.M) et la Place Jamâa Lefna à Marrakech étaient visés par les terroristes, qui comptaient également s'attaquer à des navires américains et britanniques transitant par le détroit de Gibraltar à l'issue de surveillances à partir de Sebta et Méllilia. M. Abdellah Alaoui M'Daghri a relaté les débuts de l'affaire dans sa lecture du communiqué de presse. Tout commence quand les échanges d'informations entre les services de sûreté marocains et leurs homologues internationaux, braquent les projecteurs sur les activités d'un certain Zouhair El Haili et surnomé « Sami », ressortissant saoudien établi au Maroc et lié à une citoyenne marocaine dénommée Rajaa Benmoujane. Selon les premières informations, ce dernier s'activait à attirer des citoyens marocains en Afghanistan et planifiait des opérations pour atteindre des cibles à l'intérieur du Maroc « avec la collaboration d'autres éléments subversifs ». Les services de sûreté marocains mènent des investigations qui permettent de révéler la véritable identité du surnommé « Sami », qui est en fait Zouhair Hilal Mohamed Tabiti. Les opérations de surveillance mobile et fixe permettent également de localiser les lieux qu'il fréquente à l'intérieur du territoire national et révèlent ses relations avec deux autres ressortissants saoudiens : Hilal Jaber Awade El Assiri et Abdellah Msafer El Ghamidi, se trouvant également au Maroc. Les ressortissants saoudiens en question sont alors soumis à une surveillance minutieuse, qui aboutit à leur arrestation légale, ce qui donne le coup de départ de l'enquête préliminaire de la police judiciaire sous la supervision et le contrôle du ministère public. Les premières révélations ne tardent pas à tomber. La PJ découvre que les mis en cause appartiennent au réseau Al-Qaida , qu'ils sont « animés par l'idée de ce qu'ils croient relever du jihad » et qu'à l'occasion de leur séjour en Afghanistan, ils ont organisé l'accueil de volontaires à Kaboul comme à Kandahar. Ils ont également subi plusieurs entraînements militaires dans différents camps, supervisés par des spécialistes d'Al-Qaida. Ils ont ainsi été initiés au tir et démontage des différentes armes, à la fabrication des explosifs, à tous les aspects de la topographie et du déplacement en montagne, ainsi qu'aux techniques de déguisement, de surveillance, de contre-filature, de perquisition et de préparation des valises. Leur formation inclut également les techniques d'élaboration de faux et de falsification de documents et cachets. Au terme de cette initiation, les mis en cause développent la conviction et le désir d'exécuter des opérations kamikazes. Zouhair Hilal Mohamed Tabiti contacte alors un certain Ahmed El Moulla Billal, l'un des grands dirigeants de l'Al-Qaida, chargé de la planification des opérations kamikazes, pour demander que lui soit confiée l'exécution de l'une de ces opérations. Tabiti étant invité à choisir lui-même la cible et à présenter un projet pour étude, décide d'aller au Maroc pour effectuer sur place une opération de sabotage contre les intérêts étrangers. Dans un souci de discrétion, il décide de se lier à une marocaine. Une fois sur place, il lie connaissance avec un ensemble de citoyens dans le but d'alimenter le réseau Al Qaida. Il y parvient et réussit même à avoir des appuis financiers. En Afghanistan, Tabiti fait la connaissance de son compatriote Hilal Awade Jaber El Assiri, surnommé « Abi El Hayjae » qui avait déjà séjourné au Maroc et s'était lié à une citoyenne marocaine, Naïma Haroune. El Assiri est particulièrement entreprenant. Il fait établir à Naïma Haroune, en Arabie Saoudite, un passeport au nom de son épouse saoudienne Meriem Ibrahim Ali Maachir pour lui permettre de l'accompagner hors du Maroc. Le faux passeport est validé par un fonctionnaire saoudien à l'aéroport de Riad et par un agent de la police marocaine au poste de frontières à l'aéroport Mohammed V. Le couple peut ainsi se déplacer et a même une fille qui sera enregistrée au service de l'état civil saoudien comme étant la fille de l'épouse saoudienne. El Assiri se rend en Afghanistan en compagnie de Naima Haroune. Sur place, il fait la connaissance d'un groupe de marocains appartenant au réseau Al-Qaida. C'est dans les camps d'entraînement afghans que la paire El Assiri-Tabiti rencontre le saoudien Abdellah Ben Msafer Ben Ali El Ghaziri El Ghamidi. El Assiri conseille à El Ghamidi d'établir également une relation avec une marocaine. Les frais du séjour de ce dernier au Maroc sont couverts par des comptes bancaires ouverts au nom de citoyens marocains, en contrepartie de récompenses pécuniaires ou de cadeaux. Une fois la toile en place, Ahmed El Moulla Bilal donne le feu vert pour l'exécution d'une opération de sabotage contre les intérêts américains et britanniques au Maroc. Dans un premier temps, Tabiti identifie comme cible les autocars « CTM ». Il a tout de suite le soutien d'El Assiri, alors que Bilal penche vers des opérations contre des navires américains et britanniques. Une somme de 5000 dollars émanant de Bilal est partagée entre les 3 compères. Une aide d'Al Qaida, destinée à financer l'opération de reconnaissance à Sebta et Melillia est également remise à Tabiti et El Assiri à leur arrivée au Maroc. Tabiti, arrivé le 13 janvier 2002 au Maroc en provenance de Téhéran, échoue cependant dans sa prise de contact avec Bilal. Le 4 février, il se rend à Marrakech où il décide de planifier une opération de sabotage à la place Jamaa El Fna. El Assiri refuse de le suivre dans cette voie, mais finit par se laisser convaincre. Le duo prépare ainsi les explosifs, mais s'en débarrasse quand il flaire la pression de la police. Le trio avec quatre autres marocains est arrêté à ce stade de l'opération. Le groupe, déféré devant le Parquet général de Casablanca le 13 juin, est poursuivi pour association de malfaiteurs, tentative de sabotage volontaire par le biais d'explosifs de lieux et d'édifices, faux et usage de faux dans des documents administratifs, séjour illégal, débauche, dissimulation de l'identité d'un enfant, complicité dans la destruction d'éléments du crime et abstention d'aviser les autorités à propos d'un crime. L'enquête est en cours pour identifier toute autre personne ayant participé à cette affaire.