Que ce soit ceux de Turquie ou ceux de Chypre, les responsables turcs présents à Copenhague n'entendaient pas brader leur avenir respectif, l'un comme membre de l'UE, l'autre comme représentant d'une île réunifiée. Dès jeudi, premier jour du Sommet de Copenhague sur l'élargissement de l'Europe, les espoirs d'un règlement du conflit chypriote étaient minimes. Menées parallèlement à la réunion des Quinze, les négociations entre les deux camps de l'île et l'ONU promettaient en effet de tourner court. La copie corrigée du plan présentée par Kofi Annan lundi «ne peut être signée en l'état et doit être négociée plus avant» a ainsi affirmé jeudi Tahsin Ertugruloglu, délégué des Chypriotes-turcs. «A notre avis, le document n'est pas prêt pour une signature » a ajouté le ministre des affaires étrangères et de la défense du gouvernement de Chypre-Nord. Le dit document n'a d'ailleurs même pas «encore été négocié par les parties chypriote-grecque et chypriote-turque». Dans ses projets -pour le moins ambitieux- le secrétaire général de l'ONU avait pourtant prévu que le sommet européen scelle la réunification de l'île, par ailleurs nouveau membre de l'Union des 25 prévue pour 2004. Dès mercredi, le président chypriote-turc Rauf Denktash avait averti que son camp ne pouvait signer d'accord de paix, à la chaîne d'information locale NTV. «Nous ne sommes pas arrivés au point de signer le plan», avait-il déclaré, ajoutant qu'il ne cherchait pas «une échappatoire aux négociations». «Nous avons besoin de temps afin de discuter avec la partie chypriote-grecque» d'une version remaniée du plan, qui prévoit toujours une île réunifiée sur le modèle de la confédération helvétique. Face à ce probable échec, Kofi Annan avait le même jour envisagé la possibilité de se rendre à Copenhague en cette fin de semaine pour «arracher» la signature des deux camps. Concernant l'autre dossier vedette de Copenhague, la candidature d'Ankara, là encore les responsables turcs avaient clairement annoncé qu'ils ne se contenteraient pas du plan franco-allemand. Ce dernier ne prévoit une ouverture des négociations d'adhésions qu'en juillet 2005, à condition que la Commission européenne en ait donné l'accord. Après une campagne acharnée auprès des chancelleries du vieux continent, le leader du parti islamiste au pouvoir, Recep Tayyip Erdogan était allé jusqu'à Washington mardi. Certes soutenue par le président Bush, qui a fait part de son appui au président français mercredi soir -une «interférence» mal accueillie-, la question de la candidature turque est loin d'être résolue. Une rencontre trilatérale est même prévue entre le chancelier allemand Gerhard Schröder, le président français Jacques Chirac -les deux auteurs du projet- et le premier ministre turc Abdullah Gul en marge du sommet de Copenhague. «C'est une chose acquise», a indiqué jeudi un porte-parole du gouvernement allemand, sans donner plus de précisions. Lors d'une interview à l'agence de presse allemande DPA, Gerhard Schröder s'est quant à lui dit convaincu qu'«un accord raisonnable pour la Turquie pouvait être trouvé à Copenhague». Et d'ajouter que la société turque devra «se transformer en profondeur» pour que la Turquie puisse «adhérer à l'union européenne». Face à ces exigences, Ankara pourra cependant sortir une dernière carte, celle du rôle qu'elle peut jouer auprès des Chypriotes-turcs pour qu'ils acceptent le plan onusien.