Répondant au plan onusien pour la réunification de l'île, les Chypriotes grecs et turcs ont affiché mercredi leurs réticences à trouver un accord avant décembre. Malgré les insistances de Bruxelles, d'Athènes... et d'Ankara. Entrée programmée de Chypre dans la future Europe de 2004 oblige, la question de la réunification de l'île est passée au stade supérieur cette semaine. Lundi, le secrétaire général de l'ONU a d'abord adressé son plan de paix aux deux parties, grecque au sud et turque au nord, avant de le présenter le soir même devant le Conseil de sécurité des Nations Unies. Le projet de Kofi Annan prévoit que les dirigeants des deux communautés signent « pas plus tard que début décembre 2002 et avant la tenue du conseil européen de Copenhague », le 12 décembre, un « accord global au problème de Chypre », en acceptant les grandes lignes constitutionnelles et le principe du partage du territoire. Cet accord doit être suivi d'une période de négociations sur les points de détails jusqu'au 28 février. Et de la tenue de deux référendums simultanés le 30 mars dans l'île pour ratifier le traité de réunification. Kofi Annan a aussi prévu que les deux camps chypriotes signent des accords avec les puissances garantes de l'île, soit la Grèce pour le sud, la Turquie pour le nord, et la Grande-Bretagne, l'ex-puissance coloniale. Alors qu'ils avaient sept jours – à compter de lundi dernier – pour donner leur réponse, les Chypriotes turcs ont fait savoir dès mercredi qu'il leur fallait plus de temps. Ils ont même demandé au secrétaire général de l'ONU de repousser la date limite. « Au bout du compte, c'est un sujet qui concerne l'avenir de notre Etat et de notre peuple. Il nous faut évaluer (le plan) minutieusement pour définir notre position » a expliqué le premier ministre de la République turque de Chypre nord (RTCN, reconnue seulement par Ankara), Dervis Eroglu. Position qui ne semble pas être celle des nouveaux dirigeants de la Turquie. « Un accord sur la réunification de Chypre pourrait être conclu d'ici le sommet de l'Union européenne en décembre à Copenhague » a ainsi déclaré Abdullah Gul, vice-président du parti AKP, vainqueur des législatives du 3 novembre. Pourquoi ce changement de stratégie de la part d'Ankara ? Avant d'être transformée par la victoire du parti islamiste modéré, la Turquie, recalée dans son propre processus de candidature à l'UE, avait été invitée le mois dernier à intensifier ses efforts sur la question chypriote. Depuis l'arrivée de l'AKP au pouvoir, certains responsables du vieux continent, notamment le président de la Convention sur l'avenir de l'Europe, Valéry Giscard d'Estaing, se sont affichés réticents à l'entrée de l'Etat dans l'UE. Les Turcs ont donc intérêt à se montrer coopératifs... « Nous avons besoin d'une solution, nous allons pousser à un accord », a ainsi affirmé M. Gul, pressenti comme le futur Premier ministre de la Turquie. L'idée d'un seul Etat souverain mais composé de deux entités indépendantes, « sur le modèle de la Suisse », si elle satisfait aussi Athènes et l'Union européenne, est pourtant loin de contenter les présidents du sud, Glafcos Cléridès,et du nord, Rauf Denktash. Ce dernier a toujours plaidé pour une confédération de deux Etats indépendants tandis que la majorité grecque s'est depuis la reprise des négociations, en janvier 2002, opposée à toute partition. Chypre, retenue parmi les dix futurs Etats-membres de l'UE, est divisée en deux secteurs depuis le débarquement des troupes d'Ankara en 1974 en riposte à un coup d'Etat d'ultra-nationalistes chypriotes-grecs qui voulaient rattacher l'île à la Grèce.