Réunis en pré-sommet lundi et mardi, les chefs de la diplomatie des Quinze entendaient donner les derniers préparatifs à la réunion de Copenhague qui doit sceller l'entrée de dix nouveaux pays dans l'UE. Sauf la Turquie. Si les dix nouveaux membres de la future Europe de 2004 sont déjà connus (la Pologne, la Hongrie, la Lituanie, la Lettonie, l'Estonie, la Slovaquie, la République tchèque, la Slovénie, Malte et Chypre), il restait encore lundi et mardi aux ministres des Affaires étrangères de l'Union deux points de taille à éclaircir : la question du financement de cet élargissement historique et celle de la candidature de la Turquie. En deux jours de discussions, il semblait certes peu probable que les diplomates parviennent à un accord avant la date fatidique de jeudi, lorsque les chefs d'Etat et de gouvernement se réuniront au Danemark pour se prononcer définitivement sur le visage de la future Europe. Selon les analystes du vieux continent, les ministres devaient donc se limiter à un « échange de vues ». Dossier de taille, la candidature turque est dominée par la proposition franco-allemande d'entamer des pourparlers avec Ankara en juillet 2005, à condition que la Commission européenne lui donne son aval fin 2004. Pressée d'effectuer des progrès politiques – notamment en matière des droits de l'Homme - et économiques, la Turquie désormais gouvernée par le parti islamiste AKP a bien tenté ces dernières semaines de convaincre l'UE de ses bonnes intentions. Et de répondre aux exigences d'une Europe qui lui a laissé entendre qu'elle obtiendrait bien quelque chose de Copenhague. A trois jours de cette échéance, le ministre turc des Affaires étrangères a expliqué lundi son rejet de la proposition franco-allemande. Selon lui, son pays ne peut accepter un report de l'ouverture des négociations sur son adhésion qu'à six mois, lors du sommet de Salonique. Un délai qui lui semble suffisant pour apprécier l'engagement du nouvel exécutif. Yasar Yakis, cité par le journal turc Radikal, a ajouté qu'« ainsi ce sera la Grèce qui nous donnera une date », une décision qu'il a qualifié de symbolique pour les relations entre ces deux « frères ennemis » opposés sur les modalités de réunification de Chypre. Ankara souhaite dans tous les cas que le processus d'adhésion soit engagé avant mai 2004, autrement dit avant l'entrée des 10 nouveaux pays dans l'UE. «Obtenir l'aval de 25 membres au lieu de 15 aujourd'hui serait difficile», a estimé M. Yakis dont le pays a été récemment critiqué par des responsables européens, notamment le président de la Convention sur l'avenir de l'UE, Valéry Giscard d'Estaing. L'autre casse-tête politique reste le financement de cet élargissement et la nécessité d'établir une enveloppe budgétaire supplémentaire qui, selon la présidence danoise, s'élève désormais à 1,6 milliard d'Euros, à répartir entre les nouveaux venus de 2004 à 2006. Cette somme dépasse de 300 millions le budget de départ et elle est contestée par plusieurs pays-membres. Si elle risque, selon eux, de dépasser les 40 milliards d'Euros, approuvés lors du sommet de Bruxelles fin octobre, elle mécontente aussi certains pays candidats. Lesquels participaient aussi cette semaine à des réunions sous l'égide de la présidence danoise afin d'harmoniser leurs positions. Mais la République tchèque et la Slovénie tentent toujours d'obtenir une nouvelle rallonge pour leur rattrapage économique tandis que la Pologne et Malte restent inflexibles sur la question des subventions agricoles. Qualifiés de «discussions de marchands de tapis» par la ministre polonaise des Affaires européennes, Danuta Hubner, ces ultimes pourparlers mettent surtout face à face les intérêts financiers de chaque pays au moment où l'opinion publique s'inquiète de la facture de cette élargissement qui représente 25 euros (environ 250 DH) par an, pendant trois ans, pour chacun des 380 millions d'habitants de l'UE actuelle. Même si l'Europe ne peut décemment plus manqué ce rendez-vous.