En acceptant d'intégrer dix nouveaux membres dans leur Union, les Quinze ont certes entériné une décision historique vendredi à Copenhague. Mais beaucoup reste encore à faire pour que l'UE des 25 devienne une réalité. «La persévérance, la patience et une sorte d'audace», c'est ainsi que le Président polonais, Aleksander Kwasniewski, a défini samedi la nature des tractations que sa délégation et celles des autres pays candidats ont encore mené vendredi. Après des mois et des mois de difficiles discussions sur les modalités de leur entrée dans le grand club européen. Pour le Président Vaclav Havel, le Sommet de Copenhague a également été «un moment historique pour les Tchèques, car ils deviennent citoyens d'un espace européen commun». A Chypre, qui fait aussi partie des dix élus, l'ambiance était aussi à la fête malgré un large sentiment d'inquiétude sur l'avenir de l'île - dont l'unification n'a pas été acquise en marge du Sommet danois. Fiers, satisfaits, les dix pays, en grande partie issus de l'ex-bloc formé par l'URSS en Europe de l'Est, pouvaient certes l'être après avoir gagné leur précieux ticket d'entrée politique. Mais de nombreuses étapes doivent encore être franchies avant que cet élargissement ne devienne réalité le 1er mai 2004. Le traité d'adhésion tout d'abord doit être solennellement signé le 16 avril 2003 à Athènes. Ce dernier devra ensuite être ratifié par l'ensemble des pays. Le refus de l'un des Quinze actuels pourrait tout remettre en cause, celui de l'un des Dix exclurait automatiquement le réfractaire en question. Et si la plupart des Etats-membres ont choisi la voie parlementaire pour approuver l'accord, d'autres- notamment les dix nouveaux - ont opté pour la consultation populaire avec tous les risques que cela suppose. Car selon les sondages, en Lettonie, en Pologne ou à Malte, l'opinion n'est visiblement pas totalement convaincue des avantages d'une telle adhésion... Restent aussi les modalités de cette entrée que certains observateurs européens qualifient aujourd'hui de floues. Le traité de Nice, adopté en 2000, serait loin d'avoir répondu à toutes les questions. Le texte répond aux questions d'intendance, comme le futur nombre de commissaires européens (25 contre 20), le poids respectif des différents Etats dans les votes, ou le nombre d'eurodéputés (726 contre 626 actuellement). Mais rien sur le mode de prise de décision - à l'unanimité ou à la majorité ? – ou même sur le fonctionnement des futures réunions à 25 Etats. « Un simple tour de table durera trois heures », avait récemment remarqué le ministre français des Affaires étrangères, Dominique de Villepin. C'est pour répondre à ces casse-têtes qu'a été créée, en février dernier, la Convention sur l'avenir de l'Europe, présidée par l'ex-chef d'Etat, Valéry Giscard d'Estaing. Le traité constitutionnel qui devra sortir de ses travaux, sera soumis l'été prochain aux gouvernements de l'Union européenne. Laquelle s'est aussi donnée pour mission d'étudier le cas turc. Si ce dernier prouve d'ici à décembre 2004 qu'il est un pays démocratique, «l'Union européenne ouvrira sans délai des négociations d'adhésion avec ce pays», ont en effet décidé les Quinze vendredi dans la capitale danoise. A cela, la Turquie a répondu, samedi, qu'elle n'était pas «surprise» mais très déçue. «Personnellement, le Président de la république n'est pas content de la décision car elle est en-deçà de nos attentes », a alors déclaré le porte-parole de M. Sezer. Et d'ajouter que « la décision d'hier (vendredi) a été prise sous l'influence de l'axe franco-allemand, particulièrement de l'Allemagne pour des raisons de politique intérieure ».