Alors que le procès intenté par les journalistes d'ALM à l'encontre du correspondant d'«El Pais» au Maroc, Ignacio Cembrero, va bientôt être bouclé, notre journal subit des pressions "amicales" pour qu'il retire sa plainte. "Vérité en deçà du détroit, erreur au-delà! Ou vice-versa?", avait écrit feu Me Mohamed Anik, avocat et journaliste, dans un article publié le 3 janvier 2004 sur les colonnes du journal «Al Bayane», et que le défunt avait consacré au procès qui opposait alors Aujourd'hui Le Maroc au correspondant d'«El Pais» au Maroc, Ignacio Cembrero. En s'inspirant de la fameuse expression de Pascal, Me Anik voulait faire part de son indignation à la fois en tant que citoyen et journaliste face à l'attitude arrogante adoptée par Cembrero devant la cour d'appel de Casablanca lorsqu'il a dit, s'adressant au président de cette Cour : "le droit espagnol me donne le droit de préserver l'identité de mes sources", alors qu'il demandait à des journalistes marocains de révéler les leurs. Malheureusement, feu Me Anik nous quittera sans connaître le jugement de la cour d'appel de Casablanca, après plusieurs semaines de délibérations, innocentant les trois journalistes d'ALM. Un verdict qui a été expliqué et justifié par cette Cour dans un long document qui mérite d'être enseigné dans les plus grandes facultés de droit. La cour n'avait pas uniquement donné raison de ces journalistes, mais elle avait expliqué et justifié sa décision. En plus, elle avait aussi considéré que le plaignant devait assumer les frais du dossier, étant donné que sa plainte était non fondée et avait donc porté préjudice aux journalistes d'ALM par dénonciation calomnieuse conséquente pour laquelle une réparation est exigée. En effet, le procès n'a pas été une promenade pour ces trois membres de la rédaction d'ALM. Il n'a pas été non plus une partie de plaisir. Car, durant presque deux ans, ils ont assisté à plusieurs dizaines d'audiences. Cette affaire les a obligés à abandonner leur rédaction, ou parfois même à mettre fin à un congé, pour aller assumer avec responsabilité l'obligation de comparaître devant les juges. Un appel que la partie adverse avait ignoré à trois reprises sans justification. Cela sans parler des dizaines de fois qu'ils avaient dû, après avoir entendu l'appel du juge qui se contentait de la phrase classique de "Hachimi Idrissi et compagnie", traverser le petit couloir séparant les deux rangées des bancs de la salle du tribunal sous les regards méfiants des foules dont regorgeait le plus souvent le tribunal. Il faudra aussi rappeler que durant toutes les étapes de ce procès, les trois journalistes n'avaient bénéficié d'aucun soutien moral et aucun signe de solidarité ne leur avait été montré hormis les lettres qui leur avaient été adressées par les lecteurs d'ALM. C'est pour cela qu'ils avaient décidé de poursuivre le dénommé Ignacio Cembrero devant les tribunaux pour exiger réparation pour les préjudices qu'il leur avait causés. Mais, aujourd'hui, alors que le procès intenté par les journalistes d'ALM approche de sa fin, certaines voix amicales commencent à leur demander de retirer leur plainte et de pardonner celui qui, au lendemain de leur acquittement par la cour d'appel de Casablanca, n'avait pas hésité à stigmatiser la justice marocaine et l'accuser de partialité. Ces interventions amicales affirment être animées par le fait que le sieur Cembrero serait revenu à de meilleurs sentiments à l'égard du Royaume et de ses institutions. Il est vrai que les articles de ce monsieur ont dernièrement changé de ton à l'égard du Maroc et qu'il n'est plus ce journaliste qui passe son temps à inventer de fausses informations sur les hautes institutions de l'Etat pour pouvoir porter préjudice à l'image du Royaume. Mais, contrairement à ce que pensent les amis d'ALM, cette volte-face n'est que le résultat d'un changement de position officielle dans la ligne éditoriale du quotidien «El Pais» vis-à-vis du Maroc. Un changement dû à l'arrivée du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) au pouvoir, lequel parti a opté pour une politique de rapprochement avec son voisin du Sud. Or, aujourd'hui, tout observateur averti sait que le champ médiatique espagnol est divisé entre deux tendances, l'une proche de la droite et l'autre partisane de la gauche. Ainsi, le quotidien «El Mundo», qui a maintenant pris le relais de la campagne anti-marocaine, soutient le Parti Populaire, alors qu'«El Pais» s'est allié à ses amis traditionnels, à savoir les socialistes. Donc, tout est clair en ce qui concerne la demande indirectement adressée à ALM par Cembrero pour que les trois journalistes abandonnent les poursuites engagées à son encontre. Or, retirer la plainte n'est pas du ressort des plaignants, car ils estiment que lorsqu'ils avaient démasqué le correspondant d'El Pais dans les trois fameux articles pour lesquels ils avaient été jugés, ils ne le faisaient pas pour une raison autre que celle que dicte la conviction comme ils l'ont réitéré à maintes reprises devant la cour. Ils considéraient que leur devoir professionnel est d'assumer leur responsabilité et d'expliquer à l'opinion publique marocaine les motivations inavouées qui poussaient M. Cembrero à mener sa campagne systématique de dénigrement contre le Maroc. Et si, aujourd'hui, le journaliste d'El Pais affirme avoir changé, il suffit de lui rappeler qu'il est jugé pour des actes antérieurs. Donc, appliquant le principe universel de la non-rétroactivité de la loi, on lui dira que la plainte avait été déposée à l'époque où il «cassait du Maroc» dans une attitude suintant la haine et que, de ce fait, l'on considère que sa démarche actuelle est non avenue. C'est une question de responsabilité.