Un journaliste d'El Pais a intenté un procès en diffamation à trois journalistes de notre publication qui viennent d'être condamnés à verser des dommages et intérêts au plaignant. Récit. Le tribunal de Première instance de Casa-Anfa a condamné, mercredi 7 mai, notre journal dans le procès en diffamation qu'un journaliste espagnol du quotidien “El Pais” lui a intenté récemment. Le plaignant a poursuivi le directeur de la publication Khalil Hachmi Idrissi, Abdellah Chankou et Omar Dahbi pour l'avoir accusé de travailler pour les services secrets de son pays. Le verdict consiste à verser au plaignant 10.000 DH chacun au titre des dommages et intérêts alors qu'il a réclamé la somme totale de 150.000 DH. Les articles incriminés ont une relation avec la couverture, en octobre dernier, par notre publication, de l'affaire du militaire Abdelilah Issou et du fameux communiqué anonyme concernant le fantomatique comité des officiers libres au Maroc. Une affaire qui est apparue en premier dans les colonnes d'“El Pais” sous la plume de M. Cembrero avant que cette fausse information, bien sûr, ne soit relayée par d'autres journaux étrangers et une certaine presse locale. Cette histoire fera grand scandale et se dégonflera par la suite comme une baudruche. Il s'agissait d'une pure fabrication destinée à porter atteinte à l'image du pays. Ignacio Cembrero a été défendu par Abderrahim Berrada et les journalistes d'“Aujourd'hui Le Maroc” par Abdelkébir Tabih. Loin de nier les faits qui leurs sont reprochés, ces derniers ont choisi d'emblée de plaider coupables confirmant ainsi ce qu'ils ont écrit sur le compte du journaliste espagnol. Les plaidoiries ont eu lieu mercredi 23 avril. Elles ont duré de 16 heures à 20 heures 30. D'entrée de jeu, le défenseur de Cembrero a présenté la qualité de son client. Ce n'est pas un espion, dit-il, comme l'ont écrit ces trois messieurs. C'est un journaliste qui a choisi d'écrire sur le Maroc car il aime le Maroc“. Et de citer les noms des personnalités marocaines notamment socialistes que M. Cembrero a interviewées parmi lesquelles figurent l'ex-Premier ministre Abderrahamne Youssoufi et le numéro deux de l'USFP Mohamed El Yazghi. “ Ces gens-là, par ailleurs des nationalistes, ne sont pas des enfants de chœur pour accorder des entretiens à un espion“, conclut l'avocat sur un air triomphaliste. Il ajoute : “ C'est sous le prétexte de la déstabilisation des institutions du pays, monsieur le président, que nombre de militants ont été jugées dans ce même tribunal, poursuit-il. Ces journalistes (de ALM) qui s'érigent en défenseurs des institutions ont accusé M. Cembrero d'avoir fomenté un complot contre le Maroc“. Dans sa plaidoirie, Abdelkébir Tabih, qui a expliqué que l'espionnage est un métier et ne saurait de ce fait être assimilé à de la diffamation, a érigé la déclaration de son collègue (Cembrero est un journaliste qui aime le Maroc)en antienne qui a rythmé le déroulement du procès du début jusqu'à la fin. Alors examinons les articles du journaliste d'“El Pais” qui “aime le Maroc“ et qui sont au nombre de 2 224 depuis l'intronisation de S.M. le Roi Mohammed VI. Dans certains de ses écrits lus devant la Cour par l'avocat, l'auteur décrit une scène en ces termes : “ Au bord de la piscine du Palais royal d'Agadir, vers minuit, le Roi Mohammed VI et ses courtisans font le bilan de la réunion ministérielle du Forum méditerranéen (…) Taïeb Fassi Fihri, le “numéro deux“ de la diplomatie marocaine, est celui qui fait le plus de forcing dans la vente aux enchères, se souvient un témoin… Il rappelle au Monarque que l'Espagne vient de saboter une initiative française pour que l'Union européenne adopte une posture commune sur le Sahara occidental (…) Le Souverain est contrarié, irrité par les offenses du pays voisin. L'assemblée des courtisans avance plusieurs idées. Une finit par s'imposer : rappeler pour consultations l'ambassadeur marocain à Madrid, Abdesslam Baraka. Mohammed VI décroche le téléphone et appelle personnellement le diplomate en ordonnant qu'il revienne à Rabat“. À la lecture de ce passage, Me Tabih s'interroge : “ Un journaliste ordinaire peut-il assister à des scènes de cette nature qui, en plus, se déroulent dans la discrétion totale ? “De deux choses l'une, soit Cembrero est un espion, soit il ment“, affirme l'avocat. Et Me Tabih de lire des passages d'autres écrits de la même eau. Dans tel article, il dit du Roi du Maroc qu'il est “sans souffle“, dans tel autre il l'accuse d'interventionnisme économique, dans tel autre encore il porte des accusations graves contre l'armée marocaine et compare le Maroc à “une petite Colombie“. Si ce n'est pas une campagne de dénigrement du pays, cela y ressemble beaucoup. “ Cembrero qui aime le Maroc“, voilà ce qu'il écrit sur le Maroc… La diffamation au détour de chaque phrase. La Cour était visiblement gênée par un tel étalage de malveillance, voire de haine… C'est ce Ignacio Cembrero qui “aime le Maroc“ que l'avocat Abderrahim Berrada, un homme connu du reste pour son engagement et sa militance, a défendu dans le procès contre “ALM”. Après la fin de la plaidoirie de Me Tabih, l'avocat de la partie adverse bondit de son siège. Il s'écria : “ Monsieur le président, nous assistons à un détournement du dossier. Nous sommes ici pour une affaire de diffamation sur un sujet précis et non pas pour faire le procès de mon client“.