Ce dimanche, les dirigeants de l'Ouest africain réunis à Accra devaient définir les conditions de l'envoi d'une force régionale d'interposition en Côte d'Ivoire tandis que les rebelles continuaient de progresser vers le Nord. Avant même l'ouverture du sommet extraordinaire de la CEDEAO, l'idée de l'envoi d'une force régionale d'interposition faisait son chemin ce dimanche. Le dirigeant sénégalais Abdoulaye Wade, dont le pays assure la présidence tournante de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest, a même défini les grands traits de ce futur contingent. «Nous n'allons pas nous substituer au gouvernement de Côte d'Ivoire, nous n'allons pas nous substituer aux rebelles, nous allons faciliter le dialogue», a-t-il déclaré avant de quitter Dakar pour le Ghana où l'attendaient les quatorze autres dirigeants membres de l'organisation régionale créée en 1975. «C'est donc une force de paix et de bons offices», a répété M. Wade après avoir insisté vendredi dernier sur le fait que ce contingent n'était pas destiné à «réduire les mutins». Dans une autre déclaration faite au quotidien français Le Parisien samedi, M. Wade avait aussi précisé que cette force pourrait compter environ «3.000 à 4.000 hommes» et que pour «la logistique», des contributions américaines et françaises pourraient être sollicitées. Une initiative qui n'est d'ailleurs pas la première du genre pour la CEDEAO qui, par le biais de l'ECOMOG (Ecowas Monitoring Group) était déjà intervenue militairement pour tenter de ramener la paix au Liberia, en Sierra Leone et en Guinée Bissau. Paris a de son côté annoncé dès samedi son intention d'apporter «un soutien logistique» aux autorités ivoiriennes. Celles-ci avaient demandé la veille à la France «d'actionner les accords de défense» conclus entre les deux pays. L'armée française a aussi dirigé dimanche plusieurs opérations d'évacuation de ressortissants étrangers dans le nord de la Côte d'Ivoire, dans les régions de Korhogo et de Ferkessedougou. Malgré les menaces – encore formulées samedi soir par le ministre ivoirien de la Défense, Moïse Lida Kouassi – d'une «offensive générale» imminente, les mutins continuaient pour leur part de progresser dans la partie nord du pays. Ils ont pris dès vendredi une troisième ville, Odienne, opération qui leur a assuré le contrôle de toutes les régions situées au dessus de Bouaké (centre), de même que la frontière avec le Mali et le Burkina Faso, toujours soupçonné d'aider les mutins. A Accra, où le sommet pouvait être prolongé jusqu'à lundi, la CEDEAO devait d'ailleurs aussi tenter de rapprocher les deux frères ennemis, Laurent Gbagbo et Blaise Compaoré, qui ont accepté de se rendre dans la capitale ghanéenne. Les rebelles eux-mêmes avaient la semaine dernière démenti toute implication du Burkina Faso dans leur tentative de putsch du 19 septembre. «Il n'y a aucun chef politique derrière nous. Robert Gueï ou Alassane Ouattara ne sont pas derrière cette histoire», avait expliqué jeudi l'adjudant Tuo Fozié, le «chef» des rebelles de Bouaké. «Nous sommes des militaires, ce n'est pas un mouvement à caractère politique», avait-il ajouté, indiquant que des militaires ivoiriens en exil, dont il faisait lui-même partie, étaient à l'origine du soulèvement. Selon l'adjudant Fozié, l'important armement dont ils disposent proviendrait d'ailleurs des propres «stocks de l'armée ivoirienne». Cette crise, de quelque origine qu'elle soit, menace en tout cas toujours d'embraser une sous-région déjà très fragile avec le Liberia et la Sierra-Leone voisins, eux-mêmes plus ou moins sortis de guerres civiles meurtrières. Autant dire que les dirigeants réunis à Accra avaient ce dimanche de lourds défis à relever.