La coordination kabyle avait donné jusqu'à dimanche minuit au pouvoir algérien pour libérer ses délégués détenus depuis plusieurs mois. Faute de quoi, elle a promis de radicaliser son action. La Coordination Aârouch des daïras et communes (CADC) avait décidé le 18 juillet, avant même que le premier ministre Ali Benflis ne lui adresse un nouvel appel au dialogue, de durcir ses actions si le pouvoir ne libérait pas ses délégués. La plupart de ces détenus, dont une trentaine sont incarcérés à la maison d'arrêt de Tizi-Ouzou depuis le 18 mars dernier, entrent en effet dans leur cinquième mois de détention «préventive». Une situation qualifiée d'«arbitraire» qui a poussé une partie d'entre eux à reprendre leur grève de la faim mercredi dernier pour protester contre le refus de leur accorder toute liberté provisoire ou même de les juger. C'est pour ces raisons que le mouvement citoyen, qui considère ces prisonniers comme «les otages de la situation qui règne en Kabylie», a lancé aux autorités un ultimatum qui expirait ce dimanche à minuit. C'est aussi pour protester contre ces détentions que plusieurs marches, grèves générales et sit-in se sont multipliés tout au long de la semaine dernière. La marche organisée à Béjaïa samedi a d'ailleurs été empêchée par les forces de l'ordre comme celle, deux jours plus tôt, qui devait se dérouler à Tizi-Ouzou. L'appel comprenait une grève générale dans les secteurs publics et privés –largement suivie - appuyée par une marche «populaire et pacifique» à Béjaïa (petite Kabylie). La manifestation a pourtant tourné à l'émeute, aux confrontations entre les jeunes et les services de l'ordre, et finalement à de nombreuses arrestations. Le même jour, plusieurs localités de la région ont aussi subi de violents affrontements. Le Matin rapportait ce dimanche que plusieurs barrages avaient été dressés par la police pour empêcher que les habitants ne rejoignent les points forts des manifestations. Le même scénario s'était produit jeudi dans la ville de Tizi-Ouzou, la marche prévue ayant été empêchée par les forces de sécurité déployées sur tous les accès stratégiques menant à la ville. Des émeutes avaient alors éclaté dans le centre et la périphérie de la commune. Malgré cette situation explosive, le gouvernement algérien, via son ministre de la Justice, continuait samedi d'ignorer les revendications kabyles. Interrogé sur le sort des détenus, Mohamed Charfi s'était alors contenté de renouveler sa confiance aux magistrats. «J'apprécierai tous les jugements qui seront prononcés par les juges», avait-il déclaré ajoutant qu'il ne se mêlerait pas du travail des professionnels de la justice. Les représentants de la CADC, dont la plupart sont recherchés et vivent dans un état de quasi-clandestinité, n'ont de leur côté pas renoncé. Comme précisé dans leur ultimatum, ils entendaient lundi radicaliser leur mouvement. À partir de ce jour, les 21 daïras appartenant à la wilaya de Tizi-Ouzou devaient être investies par la population, leurs responsables empêchés d'exercer, voire expulsés - puisqu'ils représentent les premiers symboles locaux du pouvoir. Ce devait aussi être pour les délégués Aârouch une façon de répondre aux récentes répressions de leurs marches, notamment celle de jeudi qualifiée par la CADC d'«unique réponse d'un régime totalitaire et dictatorial». Lancée à Tizi-Ouzou cette radicalisation kabyle pourrait par ailleurs se généraliser à toute la région, des dizaines de délégués du mouvement étant éparpillés dans les prisons kabyles, sans inculpation ni date de procès.