Les résultats des élections locales du 10 octobre ont entraîné ces derniers jours d'importantes émeutes et violences dans l'ensemble de l'Algérie que le président Bouteflika a affirmé mardi vouloir «réconcilier». «La voie de la réconciliation nationale et de la paix, largement cautionnée par le peuple et le Parlement, est irréversible», a lancé mardi le président algérien lors d'une visite dans la wilaya de Biskra, à l'est du pays. Alors que les manifestations, les grèves et les sit-in se généralisent, que les émeutes et les arrestations se multiplient en Kabylie, et que la moitié des électeurs algériens ne se sont pas rendus aux urnes le 10 octobre dernier, Abdelaziz Bouteflika reste donc «optimiste». Selon Le Matin de mercredi, il «enfoncerait » plutôt «le couteau», se sentant conforté par les résultats du scrutin local. Dans son analyse de la situation, le chef d'Etat a affirmé que la dernière victoire accordée à l'ex-parti unique du Front de libération national était une caution de plus pour aller vers l'unité du pays, «la majorité ayant cautionné la réconciliation nationale». Et M. Bouteflika d'ajouter que «la voie de la paix demeure ouverte à ceux qui veulent la paix». Message adressé, selon Le Matin, aux groupes islamistes armés en activité qui souhaiteraient se repentir… Ceux-là mêmes qui ont encore massacré une quinzaine de personnes dans la nuit de mardi à mercredi, à l'est du pays ? Si le dirigeant algérien continue encore de discourir sur la concorde civile ou la réconciliation nationale, la réalité des faits dévoilent chaque jour un peu plus la fracture entre la population et les instances. Les manifestations, dont une majorité ont tourné à l'émeute, ont encore eu lieu ces derniers jours en Kabylie mais aussi dans d'autres régions à la suite de l'installation des nouvelles assemblées communales. Origine: «la fraude avérée à laquelle s'est livrée l'administration (durant le scrutin du 10 octobre) en faveur du RND notamment», expliquait La Tribune. Des édifices publics -notamment la commune et la poste - ont été saccagés à Badreddine, dans la région de Sidi Bel Abbès, à l'ouest, où un élu FLN devait entrer en fonction. Dix-sept personnes ont été arrêtées. Dans l'est, à Oum El-Bouaghi, le siège de la daïra de Sigus a été pillé et incendié. Des partisans du FLN ont aussi assiégé la mairie et bloqué les routes de la commune de Djebahia, près de Bouira, au sud-est d'Alger. Près de Constantine, quelque 200 personnes ont érigé et enflammé des barricades après l'installation d'un maire élu sur la liste du Rassemblement national démocratique. Les violences les plus graves remontent cependant à la nuit de dimanche à lundi lorsque, à Aïn Touila (wilaya de Khenchela, à l'est), un gendarme a été assassiné. La police y a été la cible de tirs de cocktails Molotov, et les routes menant à la ville ont toutes été bloquées. En Kabylie, la mobilisation n'est pas moins importante, surtout depuis l'arrestation lundi de quatre délégués des Aârouch, dont le leader Belaïd Abrika, placé sous mandat de dépôt. Mohamed Nekkah, lui, a été mis sous contrôle judiciaire. Quant à Mouloud Chebheb et Yazid Kaci, ils ont bénéficié de la liberté provisoire. Les délégués de la CADC, qui regroupe 53 coordinations, ont décidé, lors d'une réunion extraordinaire lundi soir, de lancer une action d'envergure pour exiger la libération des détenus. «L'action de rue comme moyen de pression a été privilégiée par les animateurs du mouvement», soulignait mercredi La Tribune. En plus de l'organisation de sit-in quotidiens, les délégués ont lancé un ultimatum aux pouvoirs publics pour obtenir leur libération. Faute de quoi, le mouvement a prévu de fermer les bureaux des « pseudo-maires » et l'expulsion des chefs de daïras. Les commissions électorales de wilaya n'ont pour leur part toujours pas rendu leur verdict en ce qui concerne 30 communes de la wilaya de Tizi Ouzou et 21 communes de celle de Béjaïa, selon le journal L'Indépendant, alors qu'elles disposaient de 48 heures, à compter de vendredi dernier, pour le faire. Ces communes ne disposent d'aucun élu, faute de vote lors du scrutin boycotté par 93 % des Kabyles le 10 octobre.