Des milliers de personnes ont manifesté jeudi à Tizi-Ouzou et ont une nouvelle fois défié les autorités algériennes qui interdisent désormais tout rassemblement. Jeudi matin, des milliers de Kabyles ont entamé une marche à Tizi-Ouzou, à l'appel du mouvement de contestation des Aârouch, la CADC, qui a aussi lancé une grève générale dans toute la région. Les manifestants venus des villages et villes proches de la Wilaya, se sont rassemblés en fin de matinée devant l'Université malgré un dispositif policier impressionnant qui filtrait notamment les entrées de la ville. Avant que le rassemblement n'ait lieu, la police anti-émeutes avait d'ailleurs déjà fait usage de grenades lacrymogènes pour tenter d'empêcher les manifestants de rallier leur point de rencontre à la périphérie de la ville. Avant de se diriger vers la Wilaya, située de l'autre côté de la ville, les manifestants, de tous âges, ont érigé des barricades à l'aide de matériaux divers sur l'avenue menant à cette université pour empêcher la police de charger. Ils se sont par la suite dirigés vers le centre ville, criant des slogans hostiles au pouvoir tels que «pas de pardon» ou «pouvoir assassin», tout en chantant des chansons de Lounès Matoub, chanteur assassiné sur une route de Kabylie en juin 1998. Des affrontements se sont alors produits à un carrefour du centre ville au niveau de l'ancienne gendarmerie, évacuée le 24 mars. Cette marche, interdite, a été organisée par la Coordination des Aârouch, Daïras et Communes (CADC) pour dénoncer l'occupation par la police, depuis le 25 mars, de leur siège au théâtre Kateb Yacine, à Tizi-Ouzou. Comme dans les autres villes kabyles, cette marche entendait aussi dénoncer les dizaines d'arrestations opérées ces derniers jours dans les rangs des responsables de ce mouvement. Malgré les mesures de redéploiement des gendarmes, réclamé par la coordination kabyle et entamé depuis une semaine, toute la région continue d'être le théâtre d'émeutes et d'affrontements entre forces de sécurité et manifestants. A Bejaïa (260 km à l'est d'Alger), capitale de la petite Kabylie, des violences se sont produites mercredi entre policiers et manifestants qui réclamaient la libération de certains des leurs arrêtés, ainsi que dans la troisième ville de cette région, Bouira (120 km au sud-est d'Alger), selon la presse nationale de jeudi. Le quotidien Libération souligne ainsi qu'«émeutes, arrestations et intimidations se multiplient». Il ajoute que «400 mandats d'arrêt ont été lancés contre les délégués» de la CADC, «notamment les principaux animateurs tels Abrika, Mazouzi, Allouache, Nekkah et Kaci». Le Matin titre quant à lui en une : «la police sème la terreur» et rapporte notamment que «la ville de Souk El Thénine (à l'est de Bejaïa) a été saccagée par les CNS (forces de sécurité)». La Tribune ajoute que «les pouvoirs publics semblent décidés d'en finir avec le cycle des émeutes par la méthode musclée, en empêchant toute manifestation aussi bien en Kabylie qu'ailleurs».