La Kabylie n'en est pas à sa première flambée de violence et de contestation, mais la récente mobilisation «citoyenne» a complètement perturbé le processus électoral. Jusque dans les urnes. C'est au lendemain du discours à la Nation prononcé par le président Bouteflika le 12 mars dernier, que la Kabylie implose. Alors que le chef d'Etat annonce l'intégration de la langue kabyle dans la Constitution, les émeutes commencent. Animées par la Coordination Aârouch des Communes et Daïras (CADC), structuré depuis le «printemps noir» d'avril 2001, ces manifestations de rues réclament le départ des gendarmes de la région et la satisfaction de toutes leurs revendications rassemblées dans la plate-forme d'El-Kseur. Conciliantes à l'approche des élections législatives, les autorités prévoient alors un redéploiement. Mais il est trop tard. Les Kabyles, dont une grande partie de jeunes, multiplient les marches et les grèves qui entraînent la plupart du temps des affrontements violents aves les forces de l'ordre. Et des arrestations en série, notamment des délégués Aârouch. Ceux-ci, bientôt rejoints par les deux grands partis d'opposition implantés en Kabylie, le Front des Forces Socialistes et le Rassemblement pour la Culture et la Démocratie, dénoncent le scrutin législatif comme «une mascarade électorale», et forment bientôt «le front anti-vote». Dans ce climat de colère générale, arrive le 18 avril, journée souvenir de la mort d'un jeune lycéen tué un an plus tôt dans les locaux d'une gendarmerie de Beni Douala, près de Tizi-Ouzou. «Il n'y aura pas d'élections en Kabylie» répète alors le «front anti-vote», alors que, tout au long de la campagne, les meetings sont empêchés. Peu à peu une vingtaine de candidats se retirent même des listes, rendant encore plus improbable la tenue d'un scrutin dans la région. A l'approche de celui-ci, la «contestation citoyenne » redouble d'ailleurs d'efforts. Ainsi, depuis mardi, la Kabylie est touchée par une grève générale qui devrait durer jusqu'à samedi. Depuis dimanche, les délégués ont aussi fermé les wilayas et brûlé les urnes dans une quinzaine de daïras. Il est donc plus que probable que les Kabyles ne se rendent pas, ce jeudi, aux urnes. Reste à savoir si, ce jour-là, la région ne va pas basculer dans une nouvelle flambée de violence. Sans compter les conséquences qu'un tel boycott impliquerait pour touts les kabyles.