Des centaines de milliers de Kabyles sont sortis manifester dans la rue pour célébrer le 22e anniversaire du Printemps amazigh , mais aussi pour démontrer que le mouvement citoyen né du «Printemps noir» continue de mobiliser. Sous les slogans « Ulac smah ulac » (pas de pardon) et Ulac l'vote (pas de vote), les Kabyles sont descendus samedi par milliers à Tizi-Ouzou pour fêter leur 22e Printemps amazigh, d'une part, et, d'autre part, crier leur colère d'une année de protestations face à un pouvoir sourd à leur détresse. En tête des carrés, des jeunes aux bandeaux noirs portaient des banderoles en tamazight et en français sur lesquelles on pouvait lire : «Libérez les détenus, «Ulac l'vote ». Certains brandissent les portraits des victimes du Printemps noir, d'autres le portrait de Lounès Matoub, le chanteur kabyle assassiné. Les marcheurs entonnaient des chants entrecoupés de slogans hostiles. Les femmes lançaient à partir de leurs balcons des youyous. Une minute de silence a été observée à la mémoire de tous ceux qui sont tombés sous les balles des gendarmes. Les forces de sécurité répondent dans un premier temps aux jets de pierres par des pierres. Eux-mêmes, écrit « Le Matin », sont munis de lance-pierres. Puis ce sont des tirs de gaz lacrymogènes qui exacerbent les jeunes qui ne baissent pas les bras pour autant. Les policiers reviennent à la charge ; l'un d'eux dira: «Dans deux mois, ce ne sera pas avec des balles en caoutchouc que nos reviendrons mais avec de vraies balles ». Les échauffourées ont duré une heure. Par ailleurs, le mot d'ordre de grève générale lancé par la Coordination des aârouch (tribus), daïras et communes (CADC) de la wilaya de Tizi Ouzou, action d'accompagnement de la grande marche organisée pour la célébration du 22e Printemps amazigh, a été massivement suivi aux quatre coins de la wilaya. Des centres urbains jusqu'aux hameaux les plus reculés, l'adhésion à cette action de soutien au mouvement citoyen né des sanglants évènements du Printemps noir et de dénonciation de la vague de répressions qui s'est abattue sur la région depuis un mois, a été, selon la presse algérienne, « une réussite totale, preuve de l'attachement et de la mobilisation citoyenne autour de revendication, porteuses de réels espoirs démocratiques, contenues dans la plate-forme d'El Kseur ». Et le journal « Le Matin » d'ajouter qu' « en dehors du secteur des transports, qui a assuré les dessertes pour acheminer les marcheurs, tous les autres secteurs d'activité, privés ou autres, sont restés paralysés durant toute la journée de samedi». La grève générale a été suivie à 100 % à Azazga, Tigzirt, Boghni, Fréha, Draâ Ben Khedda. L'appel en question a été appuyé par l'Association des commerçants pour rendre hommage aux victimes du Printemps noir et en guise de soutien au mouvement citoyen violemment réprimé. Des villages entiers, ajoute le journal, se sont vidés de leurs habitants, et le climat décrit avait tout l'air de l'opération « Villes et villages morts » du 5 juillet 2001. L'heure était aussi au recueillement à la mémoire de toutes les victimes du Printemps noir.