Des milliers d'adhérents à des coopératives, qui espéraient devenir propriétaires de leur logement, ont été grugés par des dirigeants des associations malveillants ou incompétents, parfois par des notaires, des architectes ou des responsables administratifs. La justice est saisie, mais l'État doit s'impliquer davantage pour défendre un secteur qui peut contribuer à la solution de la crise du logement. Les coopératives d'habitat «Essadiq», «Al Amana» et «Essadiq 2» regroupent plus de 4330 personnes, qui espéraient, au départ, être comme des abeilles dans une ruche. En janvier 1990, à Khouribga, le premier projet, «L'Amicale Essadiq», a vu le jour. Son objectif était simple : acquérir des terrains, les viabiliser et les distribuer aux adhérents pour la construction d'un logement. Ahmed Qabil a été nommé à la tête de son bureau, épaulé par 5 membres. Plus de 400 personnes se sont précipitées pour adhérer à l'Amicale. La crise de logement aidant. Plus de 40 millions de dirhams sont versés dans un compte bancaire. Quatre mois plus tard, l'Amicale achète un terrain d'une superficie de 13 hectares à Mohammedia. Le notaire, Housseine Sefrioui, se charge de l'établissement des contrats d'achat. Le 13 avril 1990, la procédure d'enregistrement a été effectuée. Cependant, le 21 mai 1990, l'Amicale a été transformée en une société :La Société Civile Immobilière Essadiq (SCIE), avec un capital de 80 mille dirhams et un statut mettant Ahmed Qabil à la tête du Conseil Administratif constitué de sept autres membres. Les adhérents n'étaient pas au courant ! Et tous les acquis de l'Amicale ont été cédés à la SCIE, y compris les 40 millions de dirhams. Fin décembre 90-début janvier 91, les adhérents ont été informés du changement par le biais d'une correspondance. Le prétexte, selon le conseil d'administration : éviter d'éventuels écueils et simplifier la procédure à la conservation foncière. Dans les correspondances, les membres du bureau ont demandé aux adhérents d'approuver un statut intérieur de la société, tout en les assurant d'être tous des actionnaires. Un jeu pour les rassurer. Et au fond de ce jeu se trouve le notaire, Sefrioui Husseïne. Ce dernier s'est contenté de procéder, en juin 90, à des ratures sur les actes de vente, en ajoutant sur l'acte notarial l'expression : «effectué pour les besoins de la conservation foncière». Alors qu'il ne disposait d'aucun document permettant aux membres du conseil d'administration de changer, légalement, l'Amicale en société et d'amasser l'argent versé par les adhérents entre les mains des membres du conseil administratif. En juin 1994, une assemblée générale avait eu lieu à Mohammedia. Le conseil administratif a avisé les adhérents que l'étude initiale avait omis de prendre en considération certains facteurs et qu'ils devaient ajouter une somme de 5.000DH chacun. Effectivement, leur réponse était favorable. Mais les travaux, malheureusement, n'ont pas progressé. Ce retard des travaux a été justifié lors de plusieurs réunions par le désengagement de certains adhérents. Une commission a vu le jour pour la sensibilisation de ceux qui n'ont pas respecté l'échéance et son résultat était positif. Or les travaux n'ont pas bougé d'un iota. Il fallait attendre huit ans pour que les adhérents découvrent, après le recours à la conservation foncière, qu'ils n'étaient jamais des actionnaires à la SCIE. Ils ont découvert qu'ils sont tombés dans les filets d'escrocs ayant un seul objectif : empocher l'argent des adhérents pour créer d'autres coopératives comme, Essadiq 2 et Al Amana, qui ont connu le même sort que la coopérative mère, Essadiq. Après ce choc, les adhérents se sont organisés dans «l'Association des Adhérents de la Société Immobilière et Civile Essadiq» pour recourir à la justice. A ce propos, ils ont porté plainte, en date du 4 mars 1998, auprès du procureur du Roi près le Tribunal de première instance de Mohammedia. Après 9 mois d'enquête et plus précisément en date du 23 décembre 1998, le procureur du Roi a décidé de poursuivre, en état de liberté provisoire, les huit membres du conseil administratif pour escroquerie, abus de confiance et manipulation de biens sociaux avec mauvaise foi(Dossier n° 5552/98). D'une audience à l'autre, le tribunal a décidé de procéder à une expertise comptable et technique qu'il a confiée aux experts Hammou Moussaoui et Mohamed Benjelloun. Ces derniers se sont contentés, trois mois plus tard, de copier l'essentiel d'un audite réalisé par l'expert Loukrimi sur demande de la PJ de Mohammedia. Et le tribunal a acquitté les accusés. Les adhérents ont interjeté appel. Seulement, la chambre correctionnelle près la cour d'appel a surseoit l'examen de ce dossier n°4953/99, en attendant l'examen par la chambre correctionnelle près le tribunal de première instance de Hay Mohammadi-Aïn Sebaâ du dossier concernant la plainte intentée le 4 octobre 1999 contre les deux experts, Hammou Moussaoui et Mohamed Benjelloun pour faux. Une audience a été fixée pour ce dossier pour le 13 octobre 2002. Aussi, une plainte a été déposée contre le notaire Husseïne Sefrioui, accusé d'avoir recouru à des falsifications des documents pour faciliter la tâche aux membres du conseil administratif afin de filouter les adhérents. Ce dossier est encore entre les mains du juge d'instruction près la cour d'appel de Casablanca qui a reporté son examen au 13 septembre prochain. Et les adhérents qui ont rêvé un jour d'avoir leur propre foyer se trouvent douze ans plus tard écrasés par la machine judiciaire après avoir été broyés par le marteau des membres du conseil administratif et l'enclume du notaire et des experts.