L'ex-président malgache Ratsiraka était attendu dimanche soir en France, laissant ainsi la grande île entre les mains de son rival Ravalomanana, vainqueur d'une épopée meurtrière qui aura duré sept mois. Dimanche matin, l'amiral Didier Ratsiraka a quitté les Seychelles pour Paris avec une quinzaine de ses proches, selon plusieurs témoins. Si son entourage s'est refusé à parler d'un «exil» en France, l'ex-président - dont les forces sont en total déroute sur le sol malgache - semble bel et bien avoir trouvé refuge auprès de son ancienne puissance coloniale. L'ambassadeur de France aux Seychelles, Josyane Couratier, tout comme le Quai d'Orsay s'est également refusé à tout commentaire, se bornant à dire que Didier Ratsiraka disposait d'un visa en cours de validité. Ce qui n'a pas empêché le gouvernement malgache d'exiger des clarifications à la France concernant ses intentions. «Nous avons toujours dit que Ratsiraka était un criminel et que nous le poursuivrons où qu'il soit», a aussitôt indiqué le ministre des télécommunications, Mamy Rakotoarivelo. Dimanche matin, l'ancien président, escorté par «un fort déploiement de sécurité», a donc quitté les Seychelles, qu'il avait gagnées vendredi. Ce jour-là, les troupes de son rival Marc Ravalomanana avançaient vers son dernier bastion, la province orientale de Toamasina. Les premiers soldats du nouveau président ont d'ailleurs pénétré dimanche dans l'ancien fief déclaré «ville ouverte» par les autorités militaires et civiles. Un avion de ligne de la compagnie nationale Air Madagascar a aussi déposé dans la matinée un lieutenant-colonel et dix hommes déployés pour sécuriser les lieux. Le drapeau blanc flottait enfin sur l'aérogare comme sur le capot de plusieurs véhicules civils et militaires venant de ce grand port, signe d'allégeance du maire de la ville Roland Ratsiraka, neveu de l'amiral. Le reste des troupes de Marc Ravalomanana, qui contrôlent la quasi-totalité de la grande île, se trouvait quant à lui toujours à Brickaville, à 133 km de Toamasina, prenant le temps de rétablir l'ordre sur toutes les routes. Une autre unité a enfin été envoyée dans le sud-est pour empêcher deux ex-ministres de M. Ratsiraka ainsi que le gouverneur «ratsirakiste» de Toliara, de prendre la fuite. Quoiqu'il en soit, le départ de l'ex-président semble avoir largement facilité la reconquête de l'île par son adversaire. Après 23 ans de règne et six mois de crise politique qui s'était ouverte avec l'élection présidentielle du 16 décembre 2001, Didier Ratsiraka s'est en effet incliné devant les avancées diplomatiques et militaires de son rival. Les Etats-Unis et l'Allemagne avaient tour à tour reconnu la légitimité de Ravalomanana. Depuis mercredi dernier, la France a aussi opté pour le vainqueur des urnes après de nombreuses hésitations. Paris avait d'ailleurs reçu à deux reprises Didier Ratsiraka, qui possède un appartement dans la capitale française, le 14 juin et le 24 juin. Le dernier espoir qui restait à l'ex-dirigeant était le soutien qu'il avait reçu de la part de l'Organisation pour l'Unité Africaine (OUA). Mais cette dernière, réunie en sommet à Durban (Afrique du Sud) à partir de lundi, a déjà prévu, en tant qu'UA (Union Africaine), de réexaminer sa position «en raison d'un changement de situation sur le terrain». Reste à savoir maintenant comment la France va gérer l'exil d'un ancien président qu'elle a officiellement désavoué.