Le Parti de la Justice et du Développement a réussi le tour de force de fausser complètement l'issue des Communales du 12 septembre, par le jeu d'alliances, souvent contre-nature. Les Islamistes ont ainsi pu faire pencher la balance en faveur de l'un ou de l'autre des partis en lice pour le contrôle des grandes agglomérations, sans se formaliser de l'idéologie de leurs alliés. L'analyse des communales du 12 septembre et les alliances formées au lendemain de ce scrutin pour l'élection des présidents des communes et la formation des bureaux permet à l'observateur de constater avec certitude que le Parti de la Justice et du Développement (PJD) a été, incontestablement, le grand gagnant du scrutin. Cette affirmation est certes relative puisqu'il ne s'agit pas d'un parti ayant obtenu le meilleur score électoral, mais il faut reconnaître que la formation islamiste a gagné sur plus d'un front lors des batailles électorales. Réussir à avoir une bonne représentation au sein des conseils des grandes villes, faire une entrée réussie dans le monde de la politique politicienne et enfin obtenir une certaine réhabilitation politique après l'étape des "vaches maigres" de l'après 16 mai qui a obligé le parti à se replier voire même à s'éclipser. Tels sont les trois principaux fronts où le PJD a gagné au détriment des autres formations et dont une lecture objective s'impose si l'on veut déchiffrer la future carte politique du pays et dont les contours se dessinent au fur et à mesure se laissant deviner chaque fois plus à l'occasion des élections. Ainsi, la première donne à analyser est le fait que le PJD a réussi, malgré une autolimitation du taux de couverture des candidatures, à s'imposer en tant que partie incontournable dans les négociations pour la formation des bureaux des conseils communaux des grandes villes du Royaume parvenant ainsi à en présider certains et à obtenir des postes de responsabilité dans d'autres. Cette réduction du taux de candidatures a fait couler beaucoup d'encre sur les raisons l'ayant dictée. Un pacte avec le ministère de l'Intérieur pour les observateurs, elle est annoncée comme un choix stratégique par les dirigeants du parti. Toutefois, l'explication la plus plausible et la plus réaliste est que ce choix a servi les intérêts de toutes les parties. Ce qui signifie que même s'il n'y a pas eu de véritables négociations entre la direction du parti islamiste et les pouvoirs publics pour la limitation des candidatures au sens ordinaire, il faut reconnaître que ce choix arrangeait tout le monde et que des messages, parfois directs et souvent indirects, ont été échangés entre les deux parties et ont fini par aboutir à la décision de la limitation des candidatures. C'est pour cette raison que l'on ne peut nullement parler d'un accord dûment scellé mais plutôt d'une convergence d'intérêts. Cette décision a nonobstant été bénéfique au parti d'El Khatib. Car, outre sa valeur en tant que message politique très significatif, elle lui a permis de concentrer ses efforts sur un nombre limité de circonscriptions ayant une importance stratégique tant au niveau économique que politique comme ce fut le cas à Casablanca, Rabat, Salé Marrakech et Fès. Et c'est dans ces villes que le PJD est parvenu à marquer son entrée réussie dans le domaine de la politique politicienne. Qu'il s'agisse de la campagne électorale ou des tractations post-électorales, le parti d'El Khatib a réussi à outrepasser sa vision purement islamiste de la politique et à s'ériger en tant que formation pratiquant les mêmes méthodes que ses homologues sur la scène politique nationale. Ainsi, l'on a remarqué que, durant la campagne électorale, le parti a réussi à faire une campagne électorale – du moins dans sa partie apparente - sans recourir au discours religieux. Il s'agit là d'un geste très significatif à l'encontre de tous les partenaires politiques où le parti islamiste affirme qu'il peut se passer du discours islamiste direct et s'adapter à la nouvelle donne de l'après 16 mai. Aussi, a-t-on constaté comment au niveau régional le PJD entrait en négociation avec toutes les parties intéressées par la formation de coalitions locales pour accéder aux bureaux des conseils communaux. Des pourparlers dont aucun parti n'a été exclu, même l'Union Socialiste des Forces Populaires (USFP) que la direction du PJD excluait de toute éventualité de coalition. À Fès, par exemple, la formation islamiste a rallié le parti socialiste dans une alliance solide pour tenter de faire face à la coalition dirigée par le Parti de l'Istiqlal (PI). Dans les autres villes, les tractations pour la formation des alliances ont été ouvertes à toutes les couleurs politiques n'excluant aucune tendance. Une stratégie qui donna ses fruits et le fit accéder aux centres de décision dans la plupart des grandes villes. Enfin, le parti a pu gagner au lendemain des élections communales une certaine réhabilitation politique après le 16 mai. Rappelons qu'au lendemain des attentats terroristes perpétrés à Casablanca, le PJD a été montré du doigt par toutes les composantes de la société civile et politique du pays pour sa responsabilité morale dans ces actes criminels. La formation islamiste a participé dans la création d'un climat propice au développement de l'intégrisme ayant provoqué conduit à l'apparition des groupuscules extrémistes comme la Salafia Jihadiya. Le comportement du PJD durant les élections communales est un message à destination des pouvoirs publics, de la société civile et des autres formations politiques où le parti d'El Khatib demande à être réhabilité en tant que parti politique et à se débarrasser de son étiquette essentiellement islamiste. Enfin, la question qui se pose est de savoir si le message a été bien reçu et si ce comportement "correct" de la direction du PJD lui permettrait de changer de camp politique sur la scène nationale ?