A la veille du sommet de Séville, José Maria Aznar tente encore de rallier les Quinze à ses projets de lutte contre l'immigration illégale tandis que la ville andalouse subit les incohérences de Madrid en la matière... Certes, l'agenda du sommet sévillan des chefs d'Etat et de gouvernement des Quinze, vendredi et samedi, est énorme. Le terrorisme, la réforme du Conseil européen et l'élargissement de l'UE sont prévus à l'ordre du jour. Mais la grande question sera celle de la lutte contre l'immigration clandestine récemment abordée en réunions préparatoires sous forme de plan espagnol. Loin d'avoir convaincu, le chef du gouvernement espagnol a d'ailleurs tenté de rallier ses partenaires divisés en deux camps, les «pro-répression» et les «pro-dialogue». Mardi, José Maria Aznar s'est donc rendu aux Pays-Bas et en Angleterre, deux Etats en «total accord» avec Madrid. Avant d'arriver en terre plus «hostile», la France, dont le ministre de l'Intérieur Nicolas Sarkozy s'était récemment déclaré contre une politique de sanctions à l'égard des pays tiers. Mais M. Aznar persiste : l'accord est aujourd'hui «pratiquement global». Lors de la réunion des chefs de la diplomatie lundi à Luxembourg, la France comme la Belgique et la Suède avaient pourtant répondu «non» au projet espagnol. Le point le plus controversé porte sur l'introduction d'une clause de «coopération sur la gestion commune des flux migratoires» dans les futurs accords de coopération. Et en cas de non-respect de celle-ci, l'UE pourrait suspendre lesdits accords. Ces divergences que M. Aznar définit comme des «petites questions de libellé» pourraient empêcher les Quinze de trouver un consensus lors de leur réunion sévillane. Même si, «pour le détail», le président Chirac a assuré mardi qu'ils trouveront «les solutions nécessaires pour que le sommet de Séville soit un succès». Un objectif que Madrid, qui arrive au terme de sa présidence tournante, souhaiterait évidemment atteindre. En attendant l'arrivée des Quinze, la ville andalouse se retrouve quant à elle directement confrontée à un cas concret. Mardi, 500 immigrants, la plupart marocains et algériens, ont décidé de faire la grève de la faim dans des locaux de l'université Pablo de Olavide, qu'ils occupent depuis le 10 juin. Selon leur porte-parole, Dichou Rabah, tous étaient employés agricoles dans le secteur de la fraise à Huelva (sud-ouest) avant d'être remplacés par des Européens de l'est. 6.000 Maghrébins se seraient ainsi retrouvés sans permis de résidence ni de travail. Ce mouvement «indéfini» est soutenu par le Syndicat ouvrier agricole (SOC), la Confédération générale des travailleurs (CGT) et l'Organisation démocratique des immigrants et travailleurs étrangers (ODITE). Selon une porte-parole du SOC, ces ouvriers ont travaillé pendant quatre mois à Huelva. «Ils ont été exploités» et ont vécu «dans des cabanes avec des toits de plastique, sans eau, ni électricité» en dépendant de l'aide humanitaire d'ONG pour subsister. Les grévistes reprochent aujourd'hui au patronat de ne pas avoir respecté les pré-contrats conclus avec 4.000 immigrés en 2001. Ils reprochent aussi à l'administration espagnole son silence et son inertie en vue de régulariser leur situation. Il est certes indéniable que l'immigration clandestine est un problème de taille, à l'image des 140 personnes, essentiellement marocaines, débarquées dans la nuit de mardi à mercredi en Sicile et sur l'île de Lampedusa, et qui portent à 600 le nombre d'immigrés clandestins arrêtés à leur arrivée sur le sol italien depuis 4 jours. Mais il est encore plus vrai que ces sans-papiers sont les victimes de réseaux mafieux d'exploitation humaine et de misère qui concernent, eux, les pays d'accueil. Que fera Madrid pour les grévistes de Séville ?