À quelques mois des législatives qui devraient réinstaurer la compétition politique dans un contexte moins flou que celui de l'alternance consensuelle, El Yazghi fait figure d'un personnage clef dans le paysage politique marocain. État d'esprit, éclairages, mise en ordre du parti, regards sur l'actualité d'un poids lourd de la politique nationale. Certes le Sommet européen de Séville de vendredi et samedi n'avait pas pour seul thème l'immigration. Mais ce dossier d'actualité a largement dominé les débats entre les Quinze. Confrontés à l'inquiétude de leurs opinions respectives, à la pression d'une politique sécuritaire renforcée depuis le 11 septembre, aux récentes percées électorales populistes et xénophobes (France, Pays-Bas et Danemark notamment), les dirigeants européens avaient un défi à relever : opter pour une politique commune dans le cadre de la lutte contre l'immigration illégale. Pari qui a été, au terme des deux jours de réunion en terre andalouse, réussi. A l'exception près que le scénario envisagé par Madrid, qui achevait là sa présidence tournante de l'Union, a été modifié jusque-dans ses principes. Le chef du gouvernement espagnol a eu beau partir en campagne tout au long de la semaine dernière auprès de ses partenaires, son projet de sanctions à l'égard des pays tiers «non suffisamment coopératifs» n'a pas tenu la route. Soutenu dans cette ligne dure par la Grande-Bretagne et l'Italie, José Maria Aznar a dû s'incliner face à une approche plus modérée. Une stratégie de coopération défendue par la France et la Suède, et appuyée par la Belgique, le Portugal et le Luxembourg. L'UE a donc établi samedi un plan commun sur la gestion des flux migratoires, le contrôle des frontières extérieures de l'Union, l'harmonisation du droit d'asile et la coopération avec les pays d'origine des immigrés. Des mesures en quatre axes qui concernent aussi la «priorité absolue» qui doit être accordée au problème des visas (réexamen de la liste des pays tiers dont les ressortissants sont soumis à l'obligation de visa ou en sont exonérés, système commun d'identification des données des visas); à la réalisation d'opérations conjointes avec les pays tiers, aux frontières extérieures de l'Union ; à la création d'un réseau d'officiers de liaison d'immigration. L'Europe s'est aussi fixée pour objectif d'approuver avant la fin de l'année, le «règlement Dublin II» sur l'asile, pour déterminer le pays chargé d'examiner la première demande d'asile d'un réfugié au sein de l'UE. Elle compte enfin harmoniser avant juin 2003 le statut de réfugié, les règles sur le regroupement familial et sur le statut des immigrés légaux de longue durée, de même que les procédures d'asile. Vaincu, José Maria Aznar a donc salué, à l'issue du sommet, l'orientation «équilibrée» prise par ses paires. «Nous sommes tous d'accord pour reconnaître que l'immigration est positive si les flux migratoires sont contrôlés, mais il faut lutter absolument contre l'immigration clandestine et la mafia de la traite des êtres humains», a-t-il alors souligné. Le premier ministre britannique Tony Blair, qui a changé de camp durant la réunion, a pour sa part assuré que pour le Royaume-Uni, «il n'a jamais été question de punir des pays pauvres». Quant au grand vainqueur de Séville, le président réélu Jacques Chirac, il s'est montré satisfait que le sommet ait « adopté une approche à la fois équilibrée et humaine de ce problème, comme la France le souhaitait». «En règle générale, les relations entre pays riches et pauvres doivent relever du dialogue, de la concertation », a fait valoir le chef d'Etat français. «Ce n'est pas en brandissant un sabre, généralement de bois, que l'on règle les problèmes».