Discutés lors du sommet de Séville les 21 et 22 juin, les projets de lutte contre l'immigration clandestine divisent les Quinze. Plusieurs Etats membres ont déjà opté pour un durcissement interne. Les Quinze veulent créer une politique commune en matière de lutte contre l'immigration illégale. Inscrit à l'ordre du jour du sommet de Séville (Espagne), vendredi et samedi, ce dossier promet déjà des débats houleux entre les différents chefs d'Etat et de gouvernement, les positions des uns et des autres étant radicalement opposées. Présidente de l'Union pour quelques semaines encore, l'Espagne est d'ailleurs à l'origine d'un plan qui fait polémique. Doit-on sanctionner les pays «fournisseurs» d'immigrés clandestins s'ils ne font pas d'efforts pour lutter contre ce phénomène ? La question posée jeudi dernier aux ministres de l'intérieur a eu un écho favorable, mais la réponse des chefs de la diplomatie, réunis lundi à Luxembourg, était tout autre. Contrairement à ce qu'espérait le chef du gouvernement espagnol José Maria Aznar, aucun consensus n'a pas pu être trouvé. Dans ses grandes lignes, le plan espagnol comprend la création d'un corps de garde-frontières commun, une «obligation» de retour des ressortissants entrés illégalement vers leurs pays d'origine. Côté sanctions, aides revues à la baisse par exemple, Madrid entend exercer des pressions sur les futurs accords de coopération ou d'association, qui pourraient être suspendus. Des projets qui ont fini par créer deux camps européens : celui favorable à une politique répressive (dont l'Espagne, la Grande-Bretagne, l'Italie, le Danemark) et les défenseurs d'une approche équilibrée (dont la France, la Suède, la Belgique, l'Allemagne). Le discours de ces derniers – éviter une «Europe forteresse» - a été clairement soutenu par le président italien de la commission européenne. Si Romano Prodi a en effet plaidé pour une harmonisation du droit d'asile et une politique d'intégration des immigrants légaux, l'Italie a de son côté durci son discours national. Les députés de droite ont adopté le 4 juin un projet de loi limitant les conditions d'entrée et de séjour des immigrés, facilitant leur expulsion et renforçant les peines contre clandestins et passeurs. Et l'Italie n'est pas la seule. Le gouvernement britannique entend durcir les conditions du regroupement familial ; Madrid veut rendre obligatoire l'apprentissage de la langue nationale, comme l'Autriche et le Danemark. Le FPOE (extrême droite) et le parti conservateur autrichien ont même adopté en mai une loi contraignant les étrangers hors UE à apprendre l'allemand sous peine de suppression d'aides sociales, voire du permis de séjour. Au Portugal, le nouvel exécutif prépare un système de quotas d'entrée d'immigrants à partir de janvier 2003. Les Pays-Bas, prenant note de la percée du parti populiste Pim Fortuyn, entendent créer un organisme chargé d'expulser les étrangers dont la demande d'asile a été rejetée. Son voisin danois a fait voter au Parlement, le 31 mai, un texte qui restreint l'immigration. Assurant que «les masques de l'hypocrisie devaient tomber» à Séville, le chef du gouvernement espagnol a promis des «mesures concrètes» et «un calendrier précis». Selon des observateurs, les plans de Madrid ne devraient cependant découler que sur une série d'actions ponctuelles dans les ports, les aéroports ou à certains postes frontières. Ce sommet sera enfin marqué par une grève générale de 24 heures en Espagne et par la présence de manifestants anti-mondialisation. Les débats sont ouverts.