Le Pr. Denton Ebel a tenu des conférences les 19 et 20 septembre 2014 à Casablanca et à Agadir sur le thème «Les météorites: que nous apprennent-elles sur l'espace ?». Dans cet entretien avec ALM, ce scientifique parle de l'apport du Maroc dans les recherches internationales sur les météorites, véritable mine d'informations sur notre système solaire et ses origines. ALM : Comment s'est déroulé le 77ème congrès annuel de la «meteorical society» organisé du 8 au 13 septembre 2014 ? Pr. Denton Ebel : Il s'agit du 77ème congrès annuel de la «meteorical society», association professionnelle internationale très ancienne qui s'intéresse à l'étude des météorites et des sciences planétaires. Quelque 420 scientifiques ont donc pris part à ce congrès. Chacun a présenté ses recherches. Quotidiennement, tout au long de cette manifestation, nous avons eu droit à des conférences, à des présentations et des exposés très intéressants. C'était un congrès réussi et très bien organisé. En fin de semaine, plusieurs participants ont eu l'occasion de faire des expéditions scientifiques et touristiques et visiter le Royaume. Aussi, nous avons beaucoup apprécié l'excellent accueil, la cuisine et l'authenticité des Marocains. Quel est l'intérêt de l'étude des météorites ? Les météorites nous racontent ce qui s'est passé des années auparavant, comment notre planète a été formée. C'est une mine d'informations sur notre système solaire et ses origines. C'est comme la pierre de roche qui renseigne le géologue et le paléontologue sur les fossiles et minéraux, et par là, raconte l'histoire de la vie sur terre. Les météorites nous racontent, elles, l'histoire des planètes et des corps rocheux du système solaire. Pouvez-vous nous parler du travail que vous avez présenté lors de ce congrès? Je suis venu au Maroc pour présenter mon propre travail et auquel ont pris part plusieurs astrophysiciens. L'étude cherche à comprendre comment les planètes se sont formées à partir de particules de disques qui entourent les étoiles. Les météorites pourraient ainsi être les derniers résidus de ce processus. Donc, j'ai présenté ce travail en usant d'un modèle qui explique comment des objets sont entrés en collision au sein de ces disques et ont pu créer quelque chose de plus grand. Loin des laboratoires, le recours à des modèles avec un certain nombre d'équations est nécessaire pour expliquer cette thèse. C'est comme la prédiction climatique : on utilise des équations des mouvements des vents, leur température, l'impact de la gravité… Tout ceci pour pouvoir prédire, par exemple, comment se déplacerait une tempête. Ce modèle présente comment les planètes se sont formées à partir de disques. Comment se fait-il que le Maroc soit l'un des pays où l'on retrouve le plus de météorites ? Probablement, les météorites tombent autant ici au Maroc qu'ailleurs. Mais ce qui fait toute la particularité de ce pays, c'est la combinaison de divers paramètres. Il est d'abord question de l'aridité de certaines régions du Maroc grâce à laquelle ces corps célestes qui atterrissent sur terre survivent longtemps. Il y a un autre point et que j'ai eu dernièrement le plaisir de découvrir lors d'une expédition scientifique organisée par ma collègue marocaine Pr Hasna Chennaoui Aoudjehane et au cours de laquelle nous avons fait presque 2000 km. Il est question du mode de vie de certaines populations qui vivent loin du monde artificiel. Des gens qui sont tellement en contact avec la nature, attentifs à ce qui les entoure, ciel comme terre, qu'ils peuvent voir les chute des météorites et en témoigner. Alors qu'en France, aux USA, à Casablanca même, les gens ont les yeux rivés sur leur télévision, et sont assaillis par toutes sortes de sources artificielles d'éclairage au point que, même si les météorites tombent, personne ne s'en rend compte. Grâce à ces grandes observations de chute de météorites et témoignages recueillis grâce à des universitaires et collègues comme Hasnaa Chennaoui, nous avons appris énormément sur ces roches.
Le Maroc est une mine de météorites, mais il n'y a pas de structures ou musées où les conserver. Dans quelle mesure l'expérience du Musée d'histoire naturelle de New York peut-elle être un modèle ? Je travaille dans le Musée d'histoire naturelle de New York. Un musée créé en 1860, soit il y a plus de 150 ans. Cet établissement est le fruit d'un partenariat public-privé, c'est-à-dire un partenariat entre des fonds privés et la ville de New York. Cette dernière a octroyé le terrain qui fait partie du système des espaces verts. En contrepartie, le privé devait s'occuper des salaires, et de la construction du musée d'histoire naturelle qui inclut la biologie, la paléontologie. Nous avons aussi une partie réservée aux météorites, que j'ai moi-même construite. Nous avons aussi l'anthropologie, j'ai d'ailleurs visité un musée d'anthropologie à Marrakech qui est un bon début, où il y a des objets culturels, tissage, tapisserie, boiserie, poterie et différents genres de céramiques en provenance de différentes populations et ethnies du Maroc. Tout ceci pour vous dire qu'un musée consacré aux météorites n'est qu'une partie d'un ensemble. Comment peut-on faire la même chose au Maroc ? A vous, Marocains, de trouver votre propre formule ! Cela ne peut émaner que d'une volonté interne et d'une mobilisation de tous pour mettre en valeur votre patrimoine scientifique et culturel. De notre côté, nous sommes disposés à soutenir toute initiative dans ce sens. 1933 : Création de la «Meteoritical Society», une société savante qui vise la promotion de la recherche et l'enseignement de la planétologie, l'étude des météorites et autres matériaux extraterrestres. 2008 : Chute d'une météorite au village de Tamdakht près de Ouarzazate 2011 : Découverte au Maroc de la météorite de Tissint près de Tata, la 5ème chute de météorites martiennes observée au monde. 2014 : Organisation à Casablanca du 77ème congrès annuel de la «Meteoritical Society». Plus de 400 scientifiques internationaux y ont pris part.