Les sinistrés d'Al Hoceïma refusent catégoriquement le volet "reconstruction" du plan d'urgence. Ils souhaitent l'établissement d'un recensement en bonne et due forme, ainsi que l'implication des ONGs locales dans le choix des bénéficiaires. Décidément, la quiétude ne semble pas vouloir renouer avec la ville d'Al Hoceïma. Et pour cause, le volet "reconstruction" du fameux plan d'urgence présenté par le Premier ministre, Driss Jettou, à Al Hoceïma le 24 mai dernier, a été rejeté par la population. Grosso modo, ce plan d'urgence prévoit une indemnité pour les sinistrés du monde rural, de l'ordre de 50.000 DH. La moitié de cette somme leur sera remise en numéraire et l'autre moitié en matériaux de construction, essentiellement le ciment et l'acier. Les habitants mécontents, encadrés par des ONGs locales, organisent régulièrement plusieurs marches de protestations. Ils ont remis une lettre aux autorités dans laquelle ils expliquent leur refus d'adhérer au plan de reconstruction d'urgence. En fait, ils auraient souhaité que l'Etat construise lui-même les habitations dans les normes antisismiques pour y reloger les sinistrés. Et pour cause, le plan d'urgence, tel qu'il a été présenté par Jettou, n'oblige pas les habitants à construire leurs logements dans le respect total des règles antisismiques. D'où la crainte des populations de revivre une deuxième catastrophe si la terre se remet à trembler sous leurs pieds. Le ministère de l'Habitat et de l'Urbanisme a dépêché sur place entre 20 et 30 techniciens chargés de "conseiller" les habitants en matière de construction. Mais ces derniers ne sont nullement tenus de suivre les conseils des techniciens. Car le département de Toufiq Hjira ne se charge que de l'accompagnement de la réalisation du plan d'urgence. La responsabilité première incombe au ministère de l'Intérieur et aux autorités locales. Vendredi dernier, plusieurs représentants de partis politiques, syndicats et associations se sont réunis pour créer un forum des "organisations politiques, civiles et syndicales pour la défense des victimes du séisme d'Al Hoceïma". Les participants ont mis en avant les principaux reproches au plan d'urgence. "Tout d'abord, ils critiquent le recensement réalisé par l'LPEE (laboratoire public)", souligne le Dr. M'hamed Lachkar, porte-parole du Réseau Rif Solidarité. Et d'ajouter que "les participants au Forum ont sévèrement critiqué les résultats des visites effectuées, sur le terrain, par les techniciens du LPEE". Ces derniers auraient été fortement soudoyés par certains habitants. En plus des montants débloqués pour les bénéficiaires, jugés insuffisants, le Forum a relevé plusieurs anomalies lors des premières distributions. Le prix des matériaux délivrés ne représentait pas la somme promise par le gouvernement. En outre, "le timing choisi pour la distribution est incompatible avec la réalité de la région, puisque les habitants d'Al Hoceïma sont actuellement occupés dans les champs", poursuit le Dr. Lachkar. Ceci, sans parler de la rareté de la main- d'œuvre, car le gouvernement n'a prévu que 12 centres de distribution. Le coût du transport s'avère un véritable obstacle. Que proposent les habitants? Tout d'abord l'application des techniques parasismiques. Ensuite, la prise en charge, par l'Etat, de toutes les charges de construction. Ceci-dit, les 13.000 familles sinistrés ne seront pas toutes dédommagées en même temps. "La priorité doit être donné aux familles réellement atteintes, démunies et à celles qui ont perdu le maximum de proches dans le séisme", précise le Dr. Lachkar. Pour cela, les associations locales doivent être entièrement impliquées dans le choix des bénéficiaires. En outre, le Forum a dénoncé les manœuvres de certains présidents de communes qui exercent des pressions sur les habitants pour qu'ils acceptent des indemnités prévues par le plan d'urgence. C'est le cas, d'Abdelaziz El Ouazzani, député RNI et président de la commune de S'nada, légèrement touchée par le séisme. Selon le Dr. Lachkar, El Ouazzani aurait encaissé les indemnités pour trois maisons lui appartenant. La visite de SM Mohammed VI prévue, demain à Al Hoceïma, est très attendue. Les habitants espèrent d'importants changements à l'issue de ce déplacement royal.