Le ministre de l'Habitat et de l'Urbanisme, Taoufiq Hjira, assure qu'il militera pour que le plan d'urgence de reconstruction d'Al Hoceima et ses environs, soit réalisé avec la participation des habitants bénéficiaires. ALM : Après le discours royal d'Al Hoceïma, quelles sont vos principales idées concernant la reconstruction et le relogement? Taoufiq Hjira : Tout d'abord, je tiens à préciser que le gouvernement, et pas uniquement le ministère de l'Habitat et l'Urbanisme, travaille d'arrache-pied, depuis les premières 48 heures qui ont suivi le tremblement de terre. Tout est préparé, nous avons énormément d'idées que nous avons déclinées en études de faisabilité, bien ficelées. Nous n'attendions que le discours royal, pour peaufiner nos projets et partant faire au Souverain des propositions concrètes. Par ailleurs, il faut distinguer entre le monde rural et le monde urbain. L'architecture est différente, le mode de vie est différent et l'aspect culturel ne doit pas être négligé. Inutile de rappeler que 99% des maisons en béton armé n'ont subi aucun dommage après le séisme. En revanche, dans les zones rurales, toutes les maisons en pierre et pisé se sont effondrées. Notre souci, en matière de reconstruction, est de réaliser un certain équilibre entre la sécurité d'une part, et l'aspect culturel et historique dans l'architecture du monde rural d'autre part. Il faut donc qu'un changement de mentalité soit opéré pour que les habitants du monde rural acceptent de construire avec du béton armé. Ne pensez-vous pas que les considérations financières ne seront pas le véritable obstacle à ce changement de mentalité? Je peux vous assurer que ces considérations financières ne représentent pas un problème majeur. Les matériaux de construction et la main-d'œuvre pour une maison de 35 m2, construite en béton armé, parasismique, selon les normes RPS 2000, ne coûtent pas plus de 30.000, DHS prix du marché. C'est une somme, à mon avis, très raisonnable, car le but est de rehausser le niveau d'habitabilité dans la région d'Al Hoceïma et éviter des drames semblables à celui du 24 février. Dans le programme d'urgence, quel rôle l'Etat va-t-il jouer, financièrement, pour aider les ménages à reconstruire leurs logements? Le gouvernement va soumettre plusieurs variantes à SM le Roi. Ce que je peux vous assurer c'est que le gouvernement n'a pas encore décidé, définitivement, de l'ampleur de sa participation financière. Aujourd'hui, lundi 29 mars, le Conseil du gouvernement se réunira pour l'examen de quatre projets de lois relatifs à l'habitat et l'urbanisme. Je suppose que la semaine prochaine, nous entamerons la préparation du plan d'urgence qui sera soumis à SM le Roi. Est-ce que le gouvernement est dans les temps? Absolument. Je tiens à rassurer tout le monde: nous ne sommes pas en retard. Figurez-vous que dans d'autres pays, la phase de reconstruction ne débute, parfois, que six mois après le séisme. Nous avons choisi de travailler dans la sérénité, le calme et la concertation totale avec les pouvoirs locaux, les élus, voire les ONGs. En matière de reconstruction, allez-vous reproduire l'expérience de 1994, qui s'est avérée être un véritable fiasco? C'est un élément très important. Sincèrement, je peux vous affirmer que je vais militer pour que les populations du monde rural et urbain participent à l'effort de reconstruction. Si un ménage dans les zones rurales n'a pas les moyens de financer la reconstruction, il faudra qu'il mette à disposition, au moins, sa main-d'œuvre. C'est le moment d'impliquer les TPE (très petites entreprises) qui opèrent dans le domaine de l'habitat. C'est ma position et je la défendrai. Sur ce point, il faut lever toute ambiguïté. Le séisme d'Al Hoceïma a touché, certes, les habitants d'Al Hoceïma, mais également tous les Marocains dans le monde entier. Le gouvernement est solidaire avec les sinistrés. Tous les Marocains ont fait preuve d'une solidarité exemplaire. SM le Roi a séjourné aux côtés des sinistrés. Le discours royal est porteur d'optimisme. Toutefois, cela ne signifie pas que l'Etat va mettre en place un système d'assistanat gratuit. En somme, il faut que les habitants d'Al Hoceïma se mobilisent pour que leur ville relève le défi du développement et devienne un joyau économique. Avez-vous des estimations chiffrées concernant le financement de la reconstruction? A l'heure actuelle, personne ne peut vous donner de chiffres. Nous ignorons, avec exactitude et fiabilité, le nombre de logements effondrés ou à démolir. Nous attendons, tous, la fin de l'opération de recensement. Elle est en train de se faire. Le jour où elle sera validée, par tous les intervenants, nous pourrons estimer le coût de la reconstruction. Qu'en est-il des délais, alors? Techniquement, les ménages qui débuteront la reconstruction de leur logement, une fois le plan d'urgence approuvé, termineront les travaux en milieu d'hiver prochain. En revanche, pour le programme de relogement, également annoncé par SM le Roi, son achèvement nécessitera un délai d'un an à un an et demi, après sa validation. Un éclaircissement au sujet de l'agence urbaine d'Al Hoceïma et de Nador. En fait, SM Mohammed VI a annoncé la création de deux agences urbaines. L'une à Al Hoceïma et l'autre à Nador. Avec ces deux agences, la boucle sera bouclée au Nord du Royaume. Puisque nous disposons, déjà, de trois agences urbaines à Tanger, Tétouan et Oujda. Avec les deux nouvelles, l'urbanisme sera hautement maîtrisé dans le Nord du pays, ce qui permettra de rattraper 40 ans de retard.