Le blocage de l'opération de reconstruction des villages sinistrés, la colère des citoyens, les MRE qui boudent leur ville d'origine… le profil parfait d'une ville en pleine ébullition. Décidément, la ville d'Al Hoceima a du mal à renouer avec le calme et la sérénité. Après les souffrances engendrées par le terrible séisme qui a secoué cette région le mardi 24 février, l'heure est toujours à la contestation et à l'affrontement avec les forces de l'ordre. La semaine dernière, plusieurs dizaines de personnes s'étaient rassemblées dans la principale place de la ville, la place Mohammed V, pour exprimer leur rejet total du plan d'urgence. Vers minuit, environ, les forces de l'ordre les ont violemment dispersés estimant que les manifestants enfreignaient la loi sur les rassemblements. Une vingtaine de blessés ont été transportés vers l'hôpital, quelques arrestations ont été effectuées et le calme est revenu. "Les personnes arrêtées ont été rapidement relâchées", précise-t-on à Al Hoceima. Les habitants de certains douars touchés par le tremblement de terre refusent toujours de percevoir l'aide à la reconstruction. "Une véritable fronde sociale est née dans les villages de Rouadi, Tamasint, Aït Kamra et Beni Abdellah", assure le Dr. Mhamed Lachkar, président de l'association Asasha. Les mécontents estiment que le recensement effectué par les autorités publiques (essentiellement le LPEE), et sur lequel repose tout le mécanisme d'aide à la reconstruction, est complètement biaisé. Cette critique a été également formulée par les ONGs locales. Pour rappel, le plan d'urgence prévoyait, dans un premier temps, trois types d'indemnités pour les sinistrés du monde rural: 50.000 DH pour les maisons complètement effondrées, 30.000 pour les maisons partiellement effondrées ou 20.000 DH pour les maisons fissurées. A noter que la moitié de cette indemnité sera remise aux sinistrés en numéraire et l'autre moitié en matériaux de construction, essentiellement le ciment et l'acier. "La colère des sinistrés a poussé les autorités à revoir cette grille des indemnisations", poursuit le président d'Asasha. Résultat: il a été décidé de ne retenir qu'une seule somme pour tous les sinistrés du monde rural, quel que soit le degré de gravité des dégâts. 30.000 DH pour chaque famille. Les autorités ont même pensé à faire appel à des entrepreneurs locaux qui récolteront les 30.000 DH (une moitié en numéraire et l'autre moitié en matériaux de construction). Les entrepreneurs ainsi choisis devaient se charger de la reconstruction ou le colmatage des maisons. Mais aucun entrepreneur n'a estimé cette offre de "lucrative". En outre, plusieurs familles n'ont carrément pas été recensées. Ces sinistrés se trouvent essentiellement dans les communes d'Aït Youssef Ouali et Snada. Mais le Dr Lachkar, assure que ces nouveaux mécontents "sont peu organisés et leurs doléances ne risquent pas d'être entendues". Au même moment, l'affluence des MRE est toujours attendue par les habitants. La saison estivale est considérée comme une bouffée d'oxygène pour la ville. Si même les MRE se mettent à bouder leur ville d'origine, ce serait une catastrophe économique pour A Hoceïma. La situation actuelle à Al Hoceïma est on ne peut plus critique. La misère des citoyens peut être exploitée (et l'est déjà peut-être) à des fins pas très "catholiques" ce qui risque de faire sombrer la région et le pays tout entier dans un désordre dont on pourrait se passer volontiers. En clair, la vigilance des autorités doit être accrue. Un savant équilibre doit être maintenu entre d'une part, la préservation de l'ordre public et la promotion socio-économique du Rif, et le ménagement des subtilités culturelles de cette région.