Sur le terrain, rien ne semble avancer à Al Hoceïma. C'est le principal message que les habitants ont voulu transmettre à travers trois manifestations organisées un an après le séisme. Reste que la ville a bénéficié d'une solidarité sans précédent. Plusieurs associations, partis politiques et syndicats ont organisé une marche dans la ville d'Al Hoceima, le 24 février dernier, un an, jour pour jour, après le dramatique tremblement de terre qui a frappé cette région. Au même moment, deux autres manifestations parallèles ont eu lieu à Imzouren et à Tamasint. Les habitants de ces deux villages ont refusé de se joindre aux "manifestants institutionnels" d'Al Hoceima. Car en clair, les manifestants, tout en reprochant au gouvernement sa lenteur quant à l'exécution des projets promis au lendemain du séisme, refusent catégoriquement que leurs souffrances soient "récupérées" par des politiciens de tout acabit. Un an après le magnifique élan de solidarité que le tremblement de terre a suscité au Maroc et à travers le monde, le calvaire des habitants semble être inscrit, aujourd'hui, sur la rubrique "routine". Le plus important est devenu, actuellement, "l'usage politique que certains arrivistes peuvent faire de nos malheurs", lance un habitant d'Ajdir, village à quelques kilomètres d'Al Hoceima. Dans le collimateur des protestataires, tout d'abord, la pléthore d'associations, nées bien après le séisme d'Al Hoceima, et dont l'objet est de "participer à" la reconstruction de la ville et de la région toute entière. Pour ce qui est de l'Etat, sa responsabilité est doublement engagée. D'une part, les habitants d'Al Hoceima et les villages avoisinants veulent attirer l'attention du gouvernement sur l'aggravation de la situation économique et sociale dans leur ville. C'est ainsi que les habitants s'inquiètent du phénomène d'émigration, pour ne pas dire de fuite, de dizaines de familles vers des villes plus "accueillantes" comme Tanger et Tétouan. Bon nombre de commerçants et de personnes exerçant une profession libérale ont ainsi définitivement quitté Al Hoceima pour s'installer ailleurs. Cela sans parler de l'effondrement du secteur de l'immobilier, surtout après le désengagement des MRE originaires de la région. En matière de reconstruction, les réalisations se font toujours attendre. Ce sont là les véritables revendications des habitants. En attendant, l'Etat cherche toujours (ou en fabrique de toutes pièces) des interlocuteurs émanant de la société civile. C'est justement le deuxième reproche que font les Hoceimis aux pouvoirs publics. Pour le Dr. M'hamed Lachkar, pourtant ancien président d'une des plus anciennes et plus actives associations d'Al Hoceima, estime que "la société civile a joué un rôle extrêmement important dans la phase urgence, c'est-à-dire lors des premiers jours ayant suivis le tremblement de terre". A ses yeux, les associations, qui manquent de poids et peut-être aussi de légitimité, sont maintenant incapables de participer à la phase reconstruction. Cette dernière devrait être réalisée par un instance régionale, composée d'élus notamment. C'est le début d'une "réelle autonomie, résultante d'un véritable décollage économique de la région". Le Dr. Lachkar, dans un entretien accordé à ALM, a sévèrement fustigé le programme de reconstruction préparé par le gouvernement. Il a souligné que ce programme n'a pas été accompagné d'un calendrier d'exécution, ni d'une communication sérieuse à l'égard des populations sinistrées. "Pour ce qui est des projets programmés, bon nombre d'entre eux existaient déjà avant même le séisme", ajoute-t-il. C'est le cas du Centre d'oncologie, inauguré par SM le Roi en septembre 2003. Un an après la catastrophe, les critiques sont toujours aussi vives.