ALM : Quels sont les véritables effets du mois de Ramadan sur la productivité au travail au sein d'une entreprise ? Ghita Msefer : La baisse de productivité pendant le mois de Ramadan est due à plusieurs raisons. Durant ce mois, la journée s'avère très courte et du coup on a tendance à travailler moins. Aussi, le jeûne provoque des effets biologiques dont les conséquences agissent sur la productivité. C'est connu, un jeûneur manque d'énergie. Par conséquent, il devient fatigué, facilement irritable, et a du mal à se concentrer. Le cerveau manque lui aussi d'oxygène et il est en latence. On peut comparer ici l'organisme à un moteur de voiture. Lorsque la voiture manque de carburant, elle a du mal à démarrer. C'est la même chose pour le corps humain. Dans ce climat, le travail est relégué au second plan. Les raisons sont-elles essentiellement physiologiques ? Les origines sont à la fois physiologiques et psychologiques. Lorsque l'individu est irrité et manque de sommeil, il a plus de risque de se sentir irritable et fragile. Les individus sont essentiellement préoccupés par «la nourriture», on peut alors comprendre que la concentration sur les activités professionnelles soit amoindrie. Ce qui pourrait être compréhensible pour n'importe quel individu qui ne mangerait pas toute la journée. Est-ce qu'il n'est pas dangereux de banaliser le manque de productivité et la baisse d'activité, associés aux mauvaises humeurs et de les justifier collectivement pendant le mois de Ramadan ? Que préconisez-vous en tant que psychologue du travail pour garder pendant ce mois sacré un rythme normal ? Réellement, je ne pense pas qu'on puisse préserver un rythme normal pendant le mois de Ramadan. L'ensemble de l'équilibre physiologique et psychologique se trouve déstabilisé. En fait, il n'y a pas d'alternative. D'autant plus que c'est manifestement accepté par le collectif de travail. Et que c'est même banalisé. Je ne crois pas qu'il y a une formule magique qui permet de pallier ce phénomène. L'entreprise elle-même laisse en latence une partie de ses activités sous prétexte que c'est un mois où la productivité est en baisse. C'est à chacun, individuellement, de choisir ou non de pallier à ce manque. Par exemple, il y a des gens qui choisissent d'aller travailler après la rupture du jeûne, même si c'est très difficile car pendant le mois de Ramadan il y a toute l'ambiance post-jeûne (sorties, soirées, familles) qui ne se prête pas réellement au travail. Pour ce faire seul l'engagement personnel du salarié compte, «c'est son choix». Mais, cette volonté est marginale lorsque le climat est marqué par une baisse globale de productivité admise dans les mœurs.