Né à Marrakech en 1954, Mordechaï Vanunu aura marqué l'histoire de la lutte anti-nucléaire pour avoir révélé au monde les secrets atomiques de l'Etat hébreu. Il levait fièrement ses bras, comme pour crier victoire. Une victoire si bien illustrée par le « V » affiché devant les caméras venues le filmer au moment de sa sortie de la prison Shikma. Comme s'il voulait montrer au monde entier que la prison ne l'avait pas brisé et qu'il avait remporté son combat contre les autorités israéliennes. Sa libération survient après 18 ans de réclusion, au terme d'un procès à huis clos où il a été condamné pour espionnage et trahison. Lui, c'est Mordechaï Vanunu, l'homme qui révéla au monde les secrets atomiques de l'Etat hébreu, libéré de prison mercredi. Si l'homme s'est fait connaître en divulguant ces informations dans les années 80, il est à noter qu'il n'est pas étranger au Maroc. Vanunu est né à Marrakech dans une famille religieuse juive marocaine. Et c'est au Maroc qu'il passe les 9 premières années de sa vie, avant d'émigrer en Israël, avec ses parents et ses dix frères et soeurs. Les Vanunu s'installent dans un camp de toile, à Beersheba, au sud de l'Etat hébreu. Le père, très religieux, choisit de placer Mordechaï dans une yeshiva, un séminaire consacré à l'étude du Talmud (la loi orale juive). De là, il rejoint les rangs de l'armée, comme tous les jeunes Israéliens, tenus de servir sous les drapeaux pendant trois ans. Il effectue son service militaire au milieu des années soixante-dix et commencée à travailler à Dimona en novembre 1976 tout en menant à bien des études de philosophie et de géographie. Son engagement contre la guerre du Liban en 1982 et ses positions pacifistes éveillent les soupçons. Il doit changer de département, avant d'être licencié en 1985. Il quitte Israël en janvier 1986 avec dans ses poches les photos clandestines du site. Avec son indemnité, il entreprend de faire le tour du monde. D'après le journal anglais «The Independant», c'est peut-être pendant ses voyages en Thaïlande, en Birmanie, au Népal et en Australie au début de 1986 qu'il se convainc de son devoir moral de parler des armes nucléaires israéliennes. La même année, il a été baptisé dans une église anglicane de Sidney. Il rencontre un journaliste du «Sunday Times» de Londres auquel il accepte de raconter toute son histoire. Vanunu avait ainsi fourni, en 1986, au «Sunday Times» britannique des données secrètes concernant la centrale nucléaire de Dimona, dans le désert du Neguev au sud d'Israël. Des photos prises clandestinement du réacteur de la centrale avaient amené des experts indépendants à en déduire que l'Etat hébreu était en possession de plus de cent ogives atomiques. La publication de son récit, en septembre 1986 dans l'hebdomadaire, provoque la colère des Israéliens, qui décident d'attirer « le traître » dans un piège vieux comme le monde : une femme, Cindy, de son vrai nom Cheryl Hanin Bentov, un agent du Mossad. Il tombe dans ses bras à Londres. Elle l'emmène à Rome, où il a été enlevé. Jugé, condamné et emprisonné, les révélation de Vanunu n'en avaient pas moins mis à mal la politique observée officiellement par Israël dans le domaine nucléaire, étant donné l'engagement que le pays avait pris de ne pas être le premier à introduire des armes atomiques au Proche-Orient. Haï en Israël, l'opinion publique étant montée à bloc contre lui et l'accusant de trahison, Vanunu n'en est pas moins admiré dans le reste du monde et par une partie considérable de militants pacifistes israéliens. Signe de sa popularité, des nombreux militants antinucléaires, munis de banderoles à la gloire du « héros de la paix », étaient massés aux abords de Shikma. Des militants qui considèrent les restrictions de déplacement imposées à Vanunu comme des violations des droits de l'homme. Il est également titulaire d'une brassée de récompenses offertes par des groupes pacifistes européens, du prix Sean McBride pour la paix et est docteur honoraire de l'université de Tromso. Ce même homme a aussi été proposé pour le prix Nobel de la paix. Preuve que l'homme n'a rien perdu de ses convictions, Vanunu s'est adressé au gouvernement israélien dès sa sortie de prison, l'appelant à ouvrir le réacteur nucléaire de Dimona aux inspections internationales : « Mon message au monde, c'est : ouvrez la centrale de Dimona aux inspections. » Interrogé par les services de Sécurité israélien quelques jours avant sa libération prévue mercredi 21 avril, l'homme ne renie rien. Aujourd'hui âgé de 50 ans, il crache sans les mâcher ses vérités à la face de ses intervieweurs, martelant qu' « il ne devrait pas y avoir d'Etat juif ; qu'il devrait y avoir un Etat palestinien ; que les Juifs et les Palestiniens devraient pouvoir vivre où ils veulent ». Ce Marocain d'origine souhaite renoncer à la nationalité israélienne et quitter le pays. Il dit vouloir vivre aux Etats-Unis, où réside le couple qui l'a adopté dans les années 90. Du Maroc, pays où il aurait également l'intention de s'installer, Mordechaï Vanunu garde de très bons souvenirs. «J'avais l'habitude de me promener dans la ville (Marrakech) par une place appelée Djemaâ el Fna, où se regroupaient des gens venus de partout et il y avait une grande variété de participants. ».... « Tous étaient accoutumés à venir s'asseoir là et j'y allais aussi, avec ma candeur d'enfant, y traîner et m'y divertir ». C'est ainsi que parlait l'accusé à ses juges d'un Maroc qu'il a dû quitter encore jeune. Mais il ne pourra pas réaliser ce projet dans l'immédiat en raison des restrictions draconiennes prises à son encontre par les autorités. Vanunu n'en aura pas moins rappelé au monde, à un moment particulièrement important de l'histoire du Moyen-Orient, qu'Israël est une puissance nucléaire et que ses têtes nucléaires sont prêtes à être lancées.