La parité et l'égalité hommes-femmes n'est pas pour demain. Les Marocaines continuent de faire l'objet de discriminations, en plus d'être soumises à des violences, de se voir dénier une égalité de chances en matière d'éducation et d'emploi et d'être exclues de postes de décision. C'est le constat global qui ressort du rapport du Conseil national des droits de l'Homme (CNDH) sur l'état de l'égalité et de la parité au Maroc qui a été présenté mardi à Rabat. Dans son rapport, le CNDH relève une augmentation de mariages des mineures durant la dernière décennie. La part des mariages est ainsi passée de 7% en 2004 à près de 12% en 2013. Même tendance pour la polygamie. En 2010, près de 43,41% des demandes d'autorisation des mariages polygames ont été acceptées par les juges. Une discrimination significative apparaît au niveau de la tutelle sur les enfants mineurs. À ce sujet, le document souligne que la mère ne peut accéder à la tutelle légale sur ses enfants mineurs que sous certaines conditions très restrictives. Alors que le Code de la famille stipule que la mère « aisée » a l'obligation de subvenir aux besoins de la famille en cas d'incapacité matérielle partielle, ou totale du père (art. 199), cette responsabilité matérielle ne lui confère pas le droit à la tutelle légale sur ses enfants. Des inégalités subsistent également au niveau du Code de la nationalité . Celui-ci reconnaît aux hommes le droit de transmettre leur nationalité à leur épouse étrangère (acquisition de la nationalité par le mariage), alors que ce droit est dénié aux femmes. Autre constat : les Marocaines ne sont pas bien protégées contre la violence. La législation pénale reste patriarcale. En effet, ses dispositions introduisent une hiérarchie entre les victimes du viol (mariées, non mariées, vierges, non vierges), n'incriminent pas le viol conjugal et criminalisent les relations sexuelles hors mariage entre adultes consentants. Il faut noter que les actes de violence réprimés par la loi ne font que rarement l'objet de plaintes auprès des autorités compétentes. Le cadre juridique actuel reste caractérisé par de nombreuses lacunes : absence de législation spécifique couvrant la violence domestique, non incrimination du viol conjugal, silence de la loi sur certaines formes de violence ou enfin, non-correspondance entre certaines formes de violence telles que stipulées dans la loi. Dans son rapport, le CNDH note que le droit à l'éducation reste déterminé par le sexe et le revenu des ménages. Les femmes sont plus touchées par l'analphabétisme (37% des femmes contre 25% pour les hommes) et les rurales encore davantage (55% des femmes contre 31% pour les hommes). Quant à l'accès au travail, les inégalités entre les deux sexes persistent. A l'échelle nationale, le taux d'activité des hommes est près de 3 fois supérieur à celui des femmes (4 fois en milieu urbain contre 2,2 fois en milieu rural). Fait plus inquiétant, l'activité féminine enregistre une baisse continue (28,1% en 2000 et 25,1% en 2013). Le taux d'emploi des femmes au niveau national a également baissé durant la dernière décennie en passant de 25% en 2000 à 22,6% en 2014. Le taux de chômage des femmes a enregistré une hausse significative en milieu urbain en atteignant 21,9% contre 12,8% pour les hommes. En matière de politique, le CNDH déplore la faible représentativité féminine. «Le décrochage des femmes de la politique n'est pas lié à la rareté des compétences féminines, mais plutôt au déficit d'apprentissage/appropriation par les femmes de l'espace public en raison de la dé-légitimation de leur présence dans cet espace, et leur faible inclusion par les formations politiques et au sein de leurs instances dirigeantes», explique le Conseil. À quand une loi pour mettre fin aux discriminations ? En élaborant son rapport, le Conseil national des droits de l'Homme (CNDH) a émis plusieurs recommandations pour améliorer les droits des femmes et mettre fin aux discriminations qui persistent entre les deux sexes. Le CNDH appelle le gouvernement à promulguer une loi définissant et sanctionnant la discrimination. Il est aussi question d'accélérer la mise en place de l'Autorité pour la parité et la lutte contre toutes les formes de discrimination (APALD) et du Conseil consultatif de la famille et de l'enfance (CCFE). Le Conseil souhaite également que le Code de la famille soit amendé de manière à accorder aux femmes les mêmes droits dans la formation du mariage, dans sa dissolution et dans les relations avec les enfants et en matière successorale. Il faut aussi reconnaître aux femmes le droit de transmettre leur nationalité à leurs époux étrangers dans les mêmes conditions exigées pour l'épouse étrangère. Le CNDH recommande la promulgation d'une loi spécifique de lutte contre les violences à l'égard des femmes en conformité avec les normes internationales. Un accès élitiste à la justice pour les femmes L'accès limité des femmes à la justice résulte d'une série d'inégalités aux niveaux juridique, institutionnel, structurel et socio-économique. Le CNDH indique dans son rapport que les femmes, notamment pauvres, rencontrent des difficultés à accéder à la justice (établissement des preuves d'un préjudice, complexité des procédures judiciaires et frais associés). Par ailleurs, une enquête de satisfaction du ministère de la justice et des libertés avait révélé que près du tiers des répondants estiment que les délais de traitement des dossiers sont longs. La même enquête a révélé que plus de la moitié des femmes ayant droit à une pension alimentaire ne la recevaient pas régulièrement. Un quart d'entre elles a déclaré ne pas la recevoir du tout. De plus, l'aide juridique, qui se concentre sur les affaires pénales, n'offre pratiquement pas de services dans les affaires civiles. La réduction des obstacles rencontrés par les femmes facilite non seulement leur accessibilité à la justice mais constitue aussi une étape majeure vers l'instauration d'une égalité de fait entre les femmes et les hommes.