Bien qu'il soit de formation classique, il a refusé de confiner son instrument, l'Oud, dans le Tarab. Il n'était pas question pour lui de le noyer dans un grand orchestre. Du Oud, le Tunisien Anouar Brahem transcende les âmes et dépasse les frontières du traditionnel pour produire une musique des plus universelles. Cette dernière, le public casablancais a eu le plaisir de la découvrir lundi soir dans le cadre du Jazzablanca, un festival qui n'est plus à présenter. «The Astounding Eyes of Rita» est l'album qu'a choisi de présenter Anouar Brahem en compagnie de Klaus Gesing à la clarinette basse, Björn Meyer à la guitare basse et Khaled Yassine en percussions. «C'était un été 2008, je préparais mon album au moment où j'ai appris la mort du porte-drapeau de la cause palestinienne, Mahmoud Darwish. J'ai donc décidé de lui rendre hommage à travers mon œuvre», nous apprend Anouar Brahem. Rita, la bien-aimée de Mahmoud Darwich, Al-Birwa, sa ville natale... tant de clins d'œil nous replongent, le temps d'une soirée ici au Maroc, dans la mémoire de ce poète hors pair. Pour Anouar Brahem, le Maroc est tout sauf un terrain méconnu. Son premier voyage en dehors de la Tunisie, alors qu'il avait 17 ans, lui a permis de découvrir le Royaume. «En Europe je suis l'invité, ici je suis chez moi», nous confie-t-il. Pour lui, le Maroc et la Turquie sont les berceaux de la musique arabo-islamique. «Le Maroc est un vrai terroir pour ceux qui veulent créer. Sa musique, je la ressens émotionnellement. Je regrette que l'on communique si peu aujourd'hui et que ce soit à travers l'Europe que mon travail soit connu ici», ajoute-t-il en faisant allusion à une industrie musicale peu développée dans la région. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, le Oud n'est pas un instrument de jazz et pourtant, les meilleurs ventes de jazz dans le monde reviennent à des artistes joueurs de Oud. Ce constat ne peut que conforter Anouar Brahem dans sa démarche. Jeune, et même aujourd'hui, cet artiste ne s'était jamais considéré comme Jazzman. A ses débuts, son unique objectif était d'être un bon interprète de la tradition. «Je voulais étudier et être au service de cette musique», explique-t-il. Son approche était toutefois différente. Dans les années 70', il décida de jouer en solo. «Je voulais jouer ma musique», car, selon lui, le Oud qui était un instrument maître devenait un élément de décor dans un orchestre. Aujourd'hui, à écouter l'œuvre signée Anouar Brahem, on ne peut que dire que son pari de faire rejaillir le son du Oud a été plus que gagné. Que ce soit sous un jeu occidental ou classique, cet instrument est aujourd'hui d'une notoriété internationale inouïe.