Marcus Miller Jazzman américain Les Echos quotidien : Vous vous êtes produit pour la première fois en Afrique du Nord dans le cadre de l'édition du festival Jazzablanca. Comment avez-vous trouvé le public marocain ? Marcus Miller : Sur le continent, je me suis déjà produit en Afrique du Sud et au Sénégal, mais c'est la première fois que je viens au Maroc. J'ai été agréablement surpris par le public casablancais, fin connaisseur de jazz. Et puis je ne savais pas que mon concert allait drainer un grand nombre de spectateurs. Rien que l'idée de savoir que j'ai des fans au Maroc me rend heureux. C'est très important pour un artiste de sentir l'amour du public. Vous avez interprété lors de ce concert des tubes de votre nouvel album «Rebirth» [Renaissance], qui sortira le 20 mai prochain. Quelles sont les particularités de cet album ? Dans cet album, j'ai décidé de collaborer avec de jeunes musiciens afin de donner un nouveau souffle à ma musique. J'ai composé même des morceaux spécifiquement pour ces jeunes musiciens. J'ai aussi accordé beaucoup d'importance au son. Bref, je suis satisfait du résultat, et j'espère que le public appréciera mes choix musicaux dans cet album. Peut-on dire que «Rebirth» est la continuité de l'album «A Night in Monte Carlo», sorti en 2010 ? «Rebirth» se présente comme un nouveau commencement pour ma carrière. Ce n'est pas du tout dans la continuité de mes albums. Celui-là est simple, direct, et je l'ai produit moi-même. Comme je vous ai dit, je suis fier du résultat et des musiciens qui ont collaboré avec moi, parce qu'ils sont tout simplement magnifiques. Chaque album représente alors un nouveau commencement pour vous... Tout à fait ! Je prends le temps de préparer mes albums et de développer par conséquent ma musique et mon style. Je suis tout le temps à la recherche de nouveautés, de nouvelles sonorités, de nouveaux rythmes... C'est quelque chose de très important pour moi. Vous êtes fortement influencé par Miles Davis. Peut-on dire que vous êtes son héritier ? Vous savez, chaque concert que j'anime est un hommage à Miles Davis. Il est tout le temps dans mon cœur. L'été dernier, j'ai fait une tournée en hommage à ce grand artiste. Aussi, j'ai revisité tout son répertoire. Il aimait bien ce que je faisais, et c'est grâce à lui que j'ai pris confiance en moi-même et décidé de lancer ma carrière. C'est difficile d'oublier son mentor. Je l'ai rencontré pour la première fois lorsque j'avais 21 an, et deux heures après notre rencontre, je me suis retrouvé en train de jouer avec lui. Je n'en reviens toujours pas. C'est une rencontre inattendue qui a changé ma destinée. Il me manque terriblement... Aujourd'hui, je tente de forger mon propre style et ma propre musique, indépendamment de l'héritage de Miles Davis. De plus, je ne pourrai jamais atteindre son niveau. Il est tout simplement le maître ! Quelle idée portez-vous sur le jazz contemporain ? Il y a de nombreuses idées de jazz, mais ce qui m'intéresse ce ne sont pas les caractéristiques, mais plutôt les personnalités. Ecouter quatre notes et reconnaître que c'est bien Miles Davis ou Marcus Miller, c'est très important. Le style est l'identité d'un jazzman. Et puis le public apprécie l'individualité des jazzman. La culture de l'individualité est très importante dans le jazz. Quels sont les artistes de jazz contemporains qui vous inspirent ? J'aime bien Esperanza Splading, qui s'est produite l'année dernière au festival Jazzblanca. Il y a aussi Alex Han, un saxophoniste qui fait aujourd'hui partie de mon groupe. Il m'a accompagné dans ma dernière tournée. Nombreux sont les jazzmen -surtout les jeunes- qui m'inspirent. Justement, la relève est-elle assurée ? Absolument ! Tous ces jeunes jazzman font des choses incroyables et développent un style de plus en plus recherché. Je n'ai pas envie de citer des noms, au risque d'en omettre. En un mot, je ne m'inquiète pas pour l'avenir du jazz, parce que la relève est vraiment assurée. Durant votre séjour au Maroc, avez-vous eu l'occasion de découvrir la musique marocaine ? Je suis tombé sous le charme de la musique gnaoua. Je la trouve fabuleuse. Avec seulement une basse et leur voix, les musiciens ganouis ensorcellent le monde. Je vais me procurer tous les tubes de la musique gnaoua avant de quitter le Maroc. J'envisage sérieusement d'assister au festival d'Essaouira pour découvrir davantage cette culture. Je suis sûr que je vais aimer cette ville, parce que Jimmy Hendrix y a séjourné dans les années 1960. J'ai hâte d'écouter des chansons gnaouis afin d'étudier la possibilité de faire une fusion entre ma musique et celle des gnaoua. Ce serait certainement un beau mélange. Quelle sera la prochaine étape de votre tournée ? Nous en sommes tout au début. Nous avons passé quatre jours à Milan la semaine dernière où j'ai présenté des tubes anciens et d'autres plus récents. Après Casablanca, je m'envole vers l'Europe, où je dois rester six semaines. C'est une belle occasion de promouvoir «Rebirth» en Europe, au Maroc et peut-être ailleurs !