C'est la Journée mondiale de lutte contre le travail des enfants. Chaque 12 juin, le monde réagit, avec force slogans, faisant des effets de manche, mais le constat est le même. Toujours plus d'enfants qui triment. Toujours davantage de galère pour les plus petits. Au Maroc, c'est l'Arlésienne. On reprend les comptes, on publie des statistiques, alors que les réalités du terrain sont de plus en plus criardes. Des enfants entre 6 et 15 ans qui ploient sous le poids du travail ingrat journalier, cela se compte par dizaines de milliers. Selon les statistiques du HCP, 92.000 enfants âgés de 7 à moins de 15 ans travaillaient en 2012, soit 1,9% de l'ensemble des enfants de cette tranche d'âge. De nombreuses associations contestent ces chiffres et affirment que ce n'est là que la partie visible de l'iceberg. Les autorités marocaines, de leur côté, font la comparaison avec les chiffres de 1999 et brandissent la carte de la baisse. Toujours selon le HCP, depuis 1999 on est passé de 517.000 enfants victimes du travail forcé, à 92.000. Mais quand on sait que 300.000 à 400.000 enfants de moins de 15 ans quittent le système scolaire chaque année, on se dit que le monde du travail des enfants doit afficher d'autres statistiques. Surtout en milieu rural, où l'on bat tous les records. En effet, dans les campagnes marocaines, nous sommes confrontés au même constat chaque année. Les enfants sont mis au travail à un âge très précoce pour aider leurs familles. Dans ce sens, le HCP a précisé que le phénomène touche beaucoup plus les garçons que les filles, avec près de 6 enfants sur 10 qui sont de sexe masculin, obligés de trimer pour vivre. Généralement quand on parle de travail des enfants, on pense à ce que l'on appelle communément «petites bonnes». Mais il n'y a pas que les travailleurs domestiques qui sont forcés de gagner leur vie à la sueur de leur front. Dans les usines, les magasins, les épiceries, les manufactures, des ateliers, chez les menuisiers, dans presque tous les métiers de l'artisanat, faire travailler un enfant est très rentable. Certains enfants sont presque des esclaves. Ils ne perçoivent même pas de rémunération. Ils sont juste nourris ou logés. Ce qui, pour leurs employeurs, fait office de salaire. Sans parler des mauvais traitements. Plusieurs affaires ont défrayé la chronique de personnes ayant infligé de véritables tortures à leurs «domestiques». Cela est allé jusqu'au meurtre et des tentatives de meurtre. C'est dire qu'il ne fait pas bon être gamin quand on est pauvre et que la vie nous force à travailler pour subvenir aux besoins des siens. Car, il faut le préciser, ces dizaines de milliers d'enfants qui travaillent le font pour aider leurs familles. C'est une double exploitation. D'un côté, la famille, de l'autre, la société, sans aucun égard ni pitié pour l'enfance sacrifiée. Ce sont là les tristes réalités de cette journée mondiale contre le travail des enfants. Force est de dire qu'il reste du chemin à faire au Maroc pour que cette date rime avec bonheur. Pour le moment, elle rappelle juste le calvaire de l'enfance à la marocaine. L'association Insaf au chevet des «petites bonnes» L'Institut national de solidarité avec les femmes en détresse (Insaf) s'active depuis de nombreuses années pour aider les enfants victimes du monde du travail. Dans un communiqué publié à l'occasion de la Journée mondiale contre le travail des enfants, l'association rappelle que malgré la ratification, il y a 21 ans, par le Maroc de la Convention internationale des droits de l'enfant, les «petites bonnes» se comptent par dizaines de milliers. Une situation qui ne fait qu'empirer malgré des chiffres à la baisse et certes une volonté des autorités marocaines de faire face à ce fléau. L'association souligne également que depuis 2005, elle mène dans la région de Marrakech-Tensift-El Haouz, un combat au quotidien pour l'éradication du travail des «petites bonnes» par leur retrait des lieux d'exploitation, leur réinsertion dans leur famille et à l'école et leur suivi social et pédagogique. Dans ce sens, près de 300 filles mineures ont été retirées du travail domestique et sont retournées auprès de leurs familles et ont retrouvé le chemin de l'école, parmi elles, 4 filles poursuivent leurs études universitaires. Un bel acquis qui devrait être généralisé à l'ensemble des enfants exploités par le monde du travail.