Entre le chef de gouvernement et les syndicats, c'est l'escalade. Trois centrales syndicales, à savoir l'Union marocaine du travail (UMT), la Confédération démocratique du travail (CDT) et la Fédération démocratique du travail (FDT) organiseront une marche ouvrière, le 6 avril prochain à Casablanca. Ces mêmes syndicats avaient pris l'initiative un mois auparavant d'envoyer un mémorandum au chef de gouvernement avec un ultimatum. Aujourd'hui, ils ont décidé d'augmenter la pression d'un cran. Pour les syndicalistes, l'organisation d'une marche nationale vient pour «dénoncer la détérioration des conditions sociales et économiques de la classe ouvrière». Réunis vendredi dernier, les secrétaires généraux des trois syndicats ont pris la décision unanimement en raison du «blocage» du dialogue social et la position du gouvernement face aux revendications des syndicats pour la résolution des problèmes des travailleurs et des salariés. Abdelhamid Fatihi, secrétaire général adjoint de la FDT, ne mâche pas ses mots. «Nous allons user de tous les moyens légaux nécessaires pour faire entendre nos voix et faire la pression sur l'Exécutif», lance-t-il. Et de poursuivre : «Le gouvernement actuel qui a clairement des a priori contre le mouvement syndical national, manque d'une véritable vision sur le plan social». C'est le secrétaire général de l'UMT, Miloudi Moukharik, qui a officialisé la décision. Ce dernier a profité de sa participation au congrès national de l'Union progressiste des femmes du Maroc (UPFM) pour s'exprimer publiquement sur les péripéties de sa réunion avec les dirigeants de la FDT et la CDT. Les trois centrales syndicales ont donc consacré une bonne partie de leur rencontre au traitement accordé par l'Exécutif à leur mémorandum. Moukharik a affirmé que «les organisations syndicales déplorent l'absence d'une véritable volonté du gouvernement d'engager la négociation collective sur le contenu du mémorandum qu'elles ont présenté en février dernier». Le secrétaire général de l'UMT a par ailleurs lancé un appel à la classe ouvrière et l'ensemble des composantes de la société à se mobiliser pour la réussite de cette marche. A noter que les syndicats organiseront demain, mardi, une conférence de presse pour expliquer leur choix d'organiser une marche nationale. Pour rappel, les trois syndicats avaient conclu un pacte au début de 2014 pour coordonner leur action. Dans une première démarche commune, les centrales ont envoyé au chef de gouvernement un mémorandum en février. Ils recevront quelques jours plus tard un courrier du numéro un de l'Exécutif leur notifiant la réception de leurs revendications qui allaient être étudiées par ses collaborateurs. Mais depuis cette date, le fil de communication a quasiment été coupé entre les deux parties qui ne s'étaient pas réunies depuis plus d'une année. En effet, les syndicats avaient décliné toutes les invitations du gouvernement de participer au dialogue social depuis avril 2013 en guise de protestation contre la méthodologie et la démarche adoptées par l'Exécutif pour le dialogue. Mémorandum
Dans le mémorandum envoyé au chef de gouvernement, l'UMT, la CDT et la FDT listent quelque 53 revendications, réparties dans six axes. Le gouvernement avait jusqu'à la fin de ce mois de mars pour ouvrir un dialogue sur tous ces points mais, à une semaine de la fin de ce délai, le dialogue entre les deux parties est toujours au point mort. Une chose est sûre en tout cas, la liste des revendications nécessite plus d'une semaine de débat. Dans les détails, le premier axe de revendications des syndicalistes concerne la mise en œuvre des engagements toujours en suspens de l'accord du 26 avril 2011. Il s'agit là d'un accord conclu entre les syndicats les plus représentatifs et le gouvernement dirigé alors par Abbas El Fassi. Le deuxième axe couvre toutes les revendications en rapport avec l'amélioration des salaires et revenus à travers notamment de nouvelles mesures fiscales en faveur des travailleurs et une révision de la grille des salaires dans la fonction publique. Le troisième pour sa part a trait à la protection sociale. Les trois syndicats revendiquent dans ce sens l'obligation généralisée de la déclaration des salariés du privé à la CNSS (Caisse nationale de sécurité sociale) et d'une manière plus générale l'amélioration des prestations fournies par les caisses sociales. Le quatrième axe, quant à lui, concerne la législation sociale et les relations professionnelles. L'accent a surtout été mis sur la mise en œuvre de plusieurs dispositions contenues dans le code du travail de 2004. Enfin, les deux derniers axes ont été consacrés respectivement à des revendications sectorielles et aux libertés syndicales. Il faut par ailleurs préciser que le gouvernement et les syndicats affichent des positions totalement différentes concernant la réforme des caisses de retraite ainsi que la loi organique qui devra encadrer le droit de grève.