Contrairement à ce que ce titre pourrait faire croire, cette chronique va être très sérieuse. ça me changera, me diriez-vous, et je vous répliquerais que si ça ne tenait qu'à moi, j'aurais changé depuis bien longtemps. Vous savez, ou plutôt, vous ne le savez sûrement pas, je suis un mec plutôt rangé, plutôt sage, donc plutôt sérieux. Oui, c'est ça : je cache mon jeu. Je vous parais, comme ça, comme un petit plaisantin qui passe son temps à rigoler, à se marrer et tout et tout, mais au fond je n'en pense pas moins. Pour tout vous dire, je joue la comédie. Oh, je ne suis pas un comédien professionnel, mais je bluffe et on me croit. D'ailleurs, je suis tellement crédible qu'à chaque fois que je rencontre un de mes lecteurs ou une de mes lectrices, un ou une fan comme on dit dans le milieu, on me demande presque toujours de leur raconter une blague. C'est vous dire que je suis bien convaincant. Mais, aujourd'hui, je dis : pouce, je ne joue plus ! Je veux devenir ce que j'ai toujours été : un mec sérieux quoi ! Et vous savez pourquoi ? Parce que je veux qu'on me prenne enfin au sérieux. Je vous explique. Jusqu'à présent, tout le monde me prenait pour un rigolo parce que je suis tout le temps en train de rigoler. Des autres. C'est vrai, c'est marrant, ça fait marrer, et puis c'est tout… Or, moi, quand je fais rigoler sur les autres, en fait je veux que ces autres changent et arrêtent de rigoler sur nous. Vous n'avez pas pigé, yak ? Je vais essayer d'être plus clair. ça fait un bail que je joue à ce que j'appelle «l'écrieur», c'est-à-dire que j'écris, je cris et je ris. Je le fais d'abord pour me marrer un peu, pour vous faire marrer beaucoup, mais, au-delà de ces objectifs purement tactiques, j'avais un but stratégique, c'est celui de «faire changer les choses». Tu parles! De changement, il n'y en a eu point, ou si peu. Justement, parce que je ne leur parais pas sérieux. Je rigole, tu rigoles, il et elle rigole, nous rigolons, vous rigolez, mais ils et elles, c'est-à-dire ceux et celles qui nous gouvernent, continuent de se moquer de nous. Dit autrement, ils et elles, croyant que tout ça nous fait marrer, donc nous fait plaisir, ils et elles persistent et insistent pour que tout reste comme c'est, et d'ailleurs ils et elles n'arrêtent pas de continuellement recommencer. C'est comme le mec qui vous raconte une mauvaise blague, et croyant que vous ne l'avez pas comprise, il vous la raconte plusieurs fois jusqu'à ce que vous finissiez par éclater de rire… nerveux. Des exemples, j'en ai à la pelle, mais je vais me limiter à un et un seul lequel résume toute la comédie dramatique que nous vivons depuis quelque temps ici et maintenant: les chamaillades à coups de noms d'oiseaux et de reptiles et les crêpages de chignons tirés par les cheveux qui n'en finissent pas entre tous ces gens censés pourtant être des gens sensés, et en tout cas, censés nous guider vers le bon chemin. Mais vous entendez tout ce qu'ils débitent comme bêtises à longueur de journées et de discours?!? Ils passent l'essentiel de leur temps payé par nos deniers à s'échanger des coups au ras des coquelicots, et nous, vous, on est là à se marrer comme si de rien n'était. En attendant, j'en connais qui ne rigolent pas du tout. Et vous savez qui ? La Banque mondiale et le FMI. Entre autres. Ah oui, eux, plus on se marre et plus on risque de recevoir le coup de barre. Et vous voulez avec tout ça que je continue de jouer au clown ? Non, c'est fini. Je ne suis plus ce que j'ai été. Au fait, c'est déjà l'été. Youpiii ! D'ailleurs, à l'heure où je vous écris, je suis déjà en route pour aller danser avec les Gnaouas. Après tout, la musique, les arts, la culture, il n'y a que ça de vrai. Comme dirait l'autre : «Essaouira bien qui Essaouira le dernier». Bon week-end à tous et à toutes les artistes. Quant aux autres…