Je suis sûr que beaucoup d'entre vous ont suivi l'émission de lundi soir sur France 3, sur l'humour et la politique. Et je suis sûr aussi que vous avez tous trouvé ce programme succulent. J'en connais même qui sont allés jusqu'à se poser la question fatidique et néanmoins subversive : et pourquoi pas chez nous ? Eh bien, ça tombe bien, j'avais envie, moi aussi, de vous la poser, cette question. Tant qu'à faire, je vais être encore plus vicieux, et je vais vous la poser autrement : je sais que vous adorez l'émission «Les guignols», puisque vous la regardez toujours et vous en parlez tout le temps. Ça vous fait beaucoup marrer de voir qu'ailleurs, on peut taper sur tous les décideurs et les tourner en bourrique, et ce, tous les jours et en toute impunité. Voici maintenant ma question : êtes-vous pour une émission comme celle-ci, ici, chez nous ? Attendez, je dois préciser qu'il ne s'agit pas d'acheter les droits de diffusion de cette émission pour que, branchés ou non, nous puissions tous la suivre. Non, je parle de la réalisation d'une émission, comme celle de là-haut, mais à la couleur locale. Autrement dit, on s'amuserait sur nous avec nos guignols à nous. Alors, qu'est-ce que vous en dites ? Ne me parlez pas de moyens, car vous savez bien que chez nous, les moyens, quand on veut, on sait où les trouver. Ne me dites pas non plus que nous n'avons pas les talents pour s'en occuper, car je puis vous assurer que ce n'est pas ça qui manque dans notre pays, il faut juste libérer la parole et donner le feu vert. Et à propos de vert, moi, si c'est ça qui vous préoccupe, je pourrais soutenir l'idée de l'instauration de ces fameuses lignes rouges dont tout le monde a entendu parler, mais que personne n'a jamais vu tracer. En d'autres termes, il faut juste leur dire exactement les limites à ne pas dépasser, et je vous garantis qu'il n'y aura pas un ou une artiste ou journaliste qui ira au-delà. Quant aux marionnettes, je veux dire, les personnages à caricaturer, vous savez comme moi qu'il y en a en pagaille, et à tous les rayons : en politique, bien sûr, mais aussi dans l'économie, dans le sport, dans les médias, dans la culture - si on peut appeler ça «culture» - dans les arts et j'en passe et des meilleurs... Vraiment, on a de la bonne matière première ! Chacun de nous peut être une émission des guignols à lui tout seul. Mais, je sais que vous savez que nous n'allons pas sauter le pas parce que nous avons peur. De quoi ? De l'humour, pardi ! Pourtant, comme a dit Ionesco : «Où il n'y a pas d'humour, il y a le camp de concentration». Et puisque je suis dans les citations, il y en a une que j'aime beaucoup et qui est de Montherlant : «C'est à l'audace de leurs fautes de grammaire que l'on reconnaît les grands écrivains». Alors, si je voulais paraphraser cette citation, je dirais que c'est à l'audace de laisser montrer leurs défauts et d'en rire, qu'on reconnaît les grands politiques. Oui, je sais que ce n'est pas demain la veille, mais, en attendant, rigolons en cachette, mais rigolons quand même...