Barack Obama a choisi d'écrire pour nos lecteurs un article d'opinion que nous publions en exclusivité. Il exprime ici son propre point de vue en tant que Président de la première puissance mondiale sur un conflit qui n'a que trop duré, celui du Soudan. L'organisation d'un référendum, qualifié d'historique par Obama, est porteur d'une nouvelle étape dans la vie du peuple soudanais. Cependant il est impératif de rappeler que ce pays a été pendant longtemps déchiré par des velléités de scission et de divisions, hypothéquant jusque-là son avenir, celui d'un pays aux énormes potentialités. L'appel du Président Obama est celui de la paix et de la démocratie pour un pays qui n'a que trop souffert des affres et des tourments de la guerre. Mais, il est évident comme le soulignent de nombreux observateurs de la scène soudanaise que cet exercice aux allures démocratiques, porte en lui les germes d'une balkanisation potentielle et dangereuse. Dire tout simplement qu'un référendum de ce genre pourrait constituer la panacée, ne saurait en aucun cas occulter les vrais dangers qu'encoure ce grand pays traversé par des intérêts géostratégiques antagoniques. Les idées exprimées dans cet article n'engagent, évidemment, que son auteur. Il n'est pas donné à toute génération l'occasion de tourner la page sur le passé et d'écrire un nouveau chapitre de l'histoire de son peuple. Aujourd'hui, pourtant, après un demi-siècle de guerres civiles brutales qui ont tué deux millions de personnes et obligé des millions d'autres à s'enfuir, une telle chance s'offre à la population du Soudan méridional. Au cours des sept prochains jours, des millions de Soudanais du Sud se rendront aux urnes afin de décider soit de demeurer partie intégrante du Soudan soit de former un Etat indépendant. Ce choix - et les actions des dirigeants soudanais - contribueront à déterminer si ce peuple, après avoir subi tant de souffrances, progressera vers la paix et la prospérité, ou régressera vers son passé sanglant. Cet événement aura des conséquences non seulement pour le Soudan, mais également pour toute l'Afrique subsaharienne et pour le monde entier. Le scrutin historique de cette semaine est un exercice d'autodétermination, fruit d'une longue gestation, et un élément clé de l'accord de paix de 2005 qui a mis fin à la guerre civile au Soudan. Pourtant, il y a quelques mois seulement, les préparatifs ayant pris du retard, on se demandait si ce référendum aurait jamais lieu. C'est pourquoi, lors de mes entretiens, en septembre dernier, avec les dirigeants du Soudan et d'autres hauts responsables mondiaux, j'ai insisté sur le fait que la communauté internationale était unie, que ce référendum devait avoir lieu et que la volonté des habitants du Soudan méridional devait être respectée quelle que soit l'issue. Un pas important a été franchi lorsque les chefs du nord et du sud du Soudan, appuyés par plus de quarante Etats et organisations internationales, sont convenus de travailler ensemble de manière à ce que le scrutin se tienne au moment voulu, à ce qu'il soit pacifique, libre et crédible, et à ce qu'il reflète la volonté du peuple soudanais. Le fait que le scrutin débute le jour prévu est tout à l'honneur des responsables soudanais qui ont tenu leurs engagements. Tout dernièrement, le gouvernement du Soudan a déclaré qu'il serait le premier à reconnaître le Sud s'il votait pour l'indépendance. À présent, le monde observe, uni dans sa résolution d'assurer que toutes les parties au Soudan rempliront leurs obligations. Pendant que se déroulera le référendum, il faudra permettre aux électeurs d'accéder aux bureaux de vote et de voter à l'abri de toute intimidation et de toute contrainte. Toutes les parties devront s'abstenir de propos incendiaires ou d'actes provocants susceptibles d'accroître la tension ou d'empêcher des électeurs d'exprimer leur choix. Lors du dépouillement, toutes les parties devront se retenir de préjuger du résultat. Pour que celui-ci soit crédible, la commission chargée de superviser le référendum devra pouvoir agir librement, sans nulle pression ou ingérence. Au cours des prochains jours fragiles, les dirigeants du Nord et du Sud devront coopérer afin de prévenir la violence et de faire en sorte qu'aucun incident isolé ne dégénère en une instabilité plus étendue. En aucune circonstance une partie quelconque ne doit-elle se servir de forces interposées pour tenter de saisir un avantage dans l'attente des résultats définitifs. Un vote couronné de succès sera une occasion de célébration et un pas en avant vivifiant dans le long cheminement de l'Afrique vers la justice et la démocratie. Néanmoins, une paix durable au Soudan exigera bien plus qu'un référendum crédible. Il s'agira d'abord d'appliquer pleinement l'accord de paix de 2005, ce qui exigera des compromis de la part de tous. On devra régler pacifiquement les litiges relatifs aux frontières et au statut de la région d'Abyei, située à cheval sur le Nord et le Sud. Il faudra garantir la sécurité et la citoyenneté de tous les Soudanais, en particulier les minorités, c'est-à-dire les gens du Sud habitant dans le Nord et les gens du Nord habitant dans le Sud. Il faudra conclure des arrangements en vue d'une distribution transparente des revenus pétroliers destinés à favoriser le développement. Il s'agira aussi de gérer avec un soin extraordinaire le retour des réfugiés afin d'éviter une nouvelle catastrophe humanitaire. Si le Sud opte pour l'indépendance, la communauté internationale, dont les Etats-Unis, aura intérêt à s'assurer que les deux Etats émergents, le Nord et le Sud, vivront en bon voisinage, stables et économiquement viables, car leurs destins sont liés. Le Sud-Soudan, en particulier, aura besoin de partenaires pour réaliser sa vocation à long terme consistant à répondre aux aspirations politiques et économiques de son peuple. Enfin, on ne saurait concevoir de paix durable au Soudan en l'absence d'une paix durable au Darfour. On ne saurait oublier la mort de centaines de milliers de Darfouris et la détresse des réfugiés, comme ceux que j'ai rencontrés il y a cinq ans dans un camp situé au Tchad. Ici aussi, le monde observe. Le gouvernement du Soudan doit se montrer à la hauteur de ses obligations internationales. Les attaques contre des civils doivent cesser. Les casques bleus des Nations unies et le personnel de l'aide d'urgence doivent jouir d'un accès sans entrave aux populations dans le besoin. Ainsi que je l'ai dit en septembre aux dirigeants soudanais, les Etats-Unis n'abandonneront pas le peuple du Darfour. Nous poursuivrons nos initiatives diplomatiques en vue de mettre fin, une fois pour toutes, à la crise dans cette région. Les autres Etats du monde doivent user de leur influence afin de rassembler toutes les parties autour de la table et de s'assurer qu'elles négocient de bonne foi. Nous ne cesserons de rappeler qu'une paix durable au Darfour passe par la responsabilisation des crimes qui y ont été commis, y compris le génocide qui n'a aucune place dans notre monde. De concert avec leurs partenaires internationaux, les Etats-Unis continueront à jouer leur rôle prééminent en vue d'aider tous les Soudanais à goûter la paix et le progrès qu'ils méritent. Aujourd'hui, je renouvelle mon offre aux dirigeants soudanais : si vous remplissez vos obligations et choisissez la paix, une voie s'ouvrira vers des relations normales avec les Etats-Unis, notamment la levée des sanctions économiques et l'engagement, dans le respect du droit américain, de la procédure de retrait du Soudan de la liste des Etats qui parrainent le terrorisme. En revanche, ceux qui dédaigneront leurs obligations internationales ne pourront que subir une pression et un isolement accrus. Des millions de Soudanais ont pris la route vers les bureaux de vote afin de déterminer leur destin. Voici venu le moment où des chefs courageux et visionnaires ont la possibilité de conduire leur peuple vers des lendemains meilleurs. L'histoire se souviendra de ceux qui auront fait le bon choix, et ceux-là trouveront dans les Etats-Unis d'Amérique un partenaire sûr.