A l'occasion du 8 mars et du 80ème anniversaire de la fondation du parti « La naissance et l'évolution du mouvement féministe au Maroc » M'Barek TAFSI Dans le cadre des activités programmées par le Parti du Progrès et du Socialisme, à l'occasion de la célébration du 80ème anniversaire de sa création et de la Journée Internationale des femmes, le siège du parti a abrité mercredi 6 mars une conférence autour de « la naissance et l'évolution du mouvement féministe au Maroc » avec la participation de différentes activistes représentant diverses générations. Soumaya Hajji : le 8 mars, une journée de sensibilisation et de mobilisation pour le PPS Cette conférence fait partie d'une série de manifestations organisées à l'occasion du 8 mars par le PPS, a rappelé Soumaya Mouncif Hajji, membre du Bureau politique du PPS et présidente de la commission de l'égalité et des droits de la femme. Le programme arrêté par le parti à cette occasion a été inauguré dimanche 3 mars par une rencontre sur la violence basée le genre social, suivie par une autre conférence organisée lundi à Fès autour du contenu du mémorandum du PPS pour la réforme du Code de la famille. Une autre rencontre a eu lieu à Jérada en plus d'une autre conférence prévue vendredi 8 mars à Marrakech au sujet du contenu du mémorandum du parti pour la réforme du Code la famille. A Ouerazazate, le parti a programmé un autre débat sur la femme et les espaces territoriaux. Plusieurs autres manifestations sont également au programme de ces festivités dont une sur la représentation des femmes, a-t-elle dit. Elle a indiqué aussi que cette conférence sera suivie jeudi 7 mars par le vernissage d'une exposition collective de femmes artistes, d'une séance de signature d'un ouvrage par son auteur, outre la projection de deux films. Selon Soumaya Mouncif Hajji, le parti a de tout temps accordé à la lutte pour les droits de la femme un intérêt particulier dans ses activités et ses documents. Il s'agit pour le parti non pas d'une activité qu'il organise à l'occasion du 8 mars, mais d'un engagement continu conforme à ses principes et à ses valeurs. La femme a été toujours présente au sein du parti communiste marocain et plus tard dans les rangs du PPS, a-t-elle dit, notant que la femme marocaine a participé à toutes les luttes menées, à l'appel de tous les partis nationaux, pour l'indépendance du pays et ce depuis les années 40. Plus tard, elles ont poursuivi le combat en particulier dans les années 80 et durant les années de plomb pour l'amélioration de la situation des droits de l'homme et le renforcement du processus démocratique dans le pays et des fondements de l'Etat moderne. Après un certain répit, les luttes ont repris de plus belle pour la reconnaissance et l'obtention des droits de la femme marocaine, a-t-elle dit, notant que la contribution du PPS à ce mouvement a été d'une grande importance, en particulier après la création d'une association dédiée au secteur dans le même temps que les associations issues des autres partis politiques nationaux. Rendant hommage aux différents intervenants, la présidente de la commission Soymaya Hijji a indiqué que le choix des noms n'est pas fortuit. Selon elle, les organisateurs visent à travers ce choix à créer des passerelles entre les générations, les activistes de tous genres et aux références également différentes. D'après elle, il y a une continuité dans la lutte à l'heure de la mondialisation et de l'intelligence artificielle. En décidant d'organiser cette rencontre et plusieurs autres conférences, à l'occasion du 8 mars et dans le cadre du 80ème anniversaire du PPS, pour davantage de démocratie, de justice sociale et d'égalité, le parti tend la main à toutes et à tous ceux qui désirent œuvrer pour un meilleur avenir du pays avec ses hommes et ses femmes. Le PPS croit fermement en la complémentarité de tous les activistes pour la promotion de la culture de l'égalité homme-femme. Fouzia El Harchaoui : la compréhension de l'histoire du mouvement féministe Lui succédant, la modératrice de la rencontre, Fouzia El Harchaoui, membre du BP a souligné l'importance du sujet, notant que la compréhension des différentes péripéties du mouvement féministe marocain par les générations montantes est nécessaire pour en tirer les enseignements qu'il faut. Elle a rappelé que le mouvement a été marqué par la participation de toutes les forces et des partis politiques depuis les années 40 à la lutte pour l'indépendance du pays et plus tard pour l'approfondissement du processus démocratique qui se poursuit jusqu'à présent. Ce mouvement féministe comptait dans ses rangs des actrices syndicales, des défenseures des droits de l'homme, des associations féministes, des journalistes et a connu depuis les années 40 des étapes importantes qui font l'objet de ce débat. Rachida TAHIRI : le PPS a été le premier à avoir célébré le 8 mars au Maroc Prenant la parole, la défenseure des droits de l'homme de la femme, Rachida Tahiri, membre du Conseil de la présidence du PPS est revenue sur l'historique de ce mouvement pour les droits de la femme qu'il importe de retracer pour s'en inspirer, identifier les moments forts, les accumulations, les acquis et les erreurs dans le but de redresser le cours et prospecter l'avenir et l'objectif majeur de réaliser l'égalité homme-femme. Tout en rappelant que la célébration du 8 mars a perdu beaucoup de sa signification initiale et de son lustre, à cause de certaines pratiques futiles et dégradantes axées sur le divertissement et l'amusement, elle a fait savoir que c'est au sein du PPS qu'elle a entendu pour la première fois parler de cette journée internationale de la femme instituée en 1975 par l'ONU. Pour ce qui est du PPS, a-t-elle dit, il a toujours soutenu que la célébration de cette journée est l'occasion de rendre hommage à la femme et d'ouvrer pour la satisfaction de ses besoins. Elle a fait savoir aussi que le 8 mars a été célébré pour la première fois en 1977 au siège de la section du PPS de l'Océan à Rabat avec la participation de grandes figures du mouvement féministe avec à leur tête Malika Belghiti et Fatema Mernissi. Au sein de la direction du parti, c'était feu le camarade Abdellah Layachi qui était en charge de la question, selon lequel les associations de masse et les syndicats ne devaient pas dépendre des partis politiques. Elle a également affirmé que l'histoire nous apprend que les femmes marocaines ont de tout temps participé aux luttes menées dans le pays, notant que l'archivage et la documentation sur de telles luttes ne sont pas disponibles et que l'on ignore une grande partie de ces contributions féminines. Durant la période de lutte sous le protectorat, Akhawât al-safâ` (les sœurs de la pureté) dans les années 40 réclamaient déjà le droit à l'éducation des femmes et l'interdiction de la polygamie, a-t-elle dit. Très proche de l'UMT, il y avait aussi l'Union féminine marocaine qui comptait dans ses rangs des militantes du PCM. Ce mouvement s'est traduit en 1946, lors du soulèvement de Casablanca, par l'organisation d'une marche au cours de laquelle était scandé un slogan pour l'égalité homme-femme. Au-delà de ces actions, il faut noter, a-t-elle dit, que les revendications des femmes ne revêtaient pas un caractère prioritaire à l'instar de l'action pour la démocratie et la lutte contre la dictature et la répression. Selon Rachida Tahiri, le mouvement a connu dans l'ensemble trois étapes. Avant les années 80 y compris la période de lutte contre le colonisateur, le PPS a inscrit dans son agenda annuel la célébration de la journée du 8 mars pour rendre hommage aux femmes et souligner leurs revendications. Plusieurs associations à caractère surtout caritatif avaient vu le jour, a-t-elle dit. Au PPS, l'action était axée sur la sensibilisation et l'alphabétisation sachant que le parti était toujours contre la création d'un secteur dédié exclusivement à la femme. Ce qui était conforme à l'héritage intellectuel du mouvement féministe et aux idées des partis communistes, qui estimaient à l'époque que le secteur féminin est un poulailler pour les femmes à travers le monde. Après l'institution par l'ONU de la journée du 8 mars en 1975, elle a été célébrée en particulier dans les pays socialistes, et depuis le PPS avait fait de même. Depuis lors, le Parti du Progrès et du Socialisme a accordé à la question un intérêt particulier et a organisé en 1984 un colloque national, qui a reconnu pour la première que les questions de la femme ont leur particularité et qui requièrent pour leur satisfaction une lutte adaptée à ses particularités. Les travaux de ce colloque ont été sanctionnés par l'adoption d'un certain nombre de recommandations qui sont toujours d'actualité dont l'une portait sur la création en 1985 de l'Association démocratique des femmes du Maroc (ADFM), qui lutte depuis pour la réforme des lois régissant le statut de la femme et des politiques publiques et en particulier du Code de la famille. D'autres associations ont vu le jour à cette époque dont « Solidarité féminine » et plusieurs autres dans le giron des partis nationaux. Après cette première étape (1980-1990) axée sur les droits civils, une autre étape a été marquée entre 1993 et 2004 par une petite révision de la Moudaouana en 1993, considérée dans le temps comme loi sacrée, alors qu'il s'agit d'un texte révisable. C'est ce qui avait encouragé d'autres revendications qui avaient abouti à la révision de 2004 de la Moudaouana, une étape transitoire qui explique en partie l'étape actuelle. Malheureusement cette révision n'a pas touché le fond de la loi et en particulier au principe de la Qiwama, selon lequel c'est l'homme qui fait vivre la femme. Elle a également passé en revue l'étape du plan national pour l'intégration de la femme au développement et au cours de laquelle les associations avaient commencé à travailler en réseau pour la réforme des lois, a-t-elle indiqué. L'opposition a participé au gouvernement et les droits humains de la femme ont été abandonnés, ce qui avait obligé les associations à travailler en réseau pour porter les revendications, méthodes qui sont toujours d'actualité. Sachant que la lutte continue pour l'égalité homme-femme et contre les résistances de tous genres. Sara Soujar : les initiatives actuelles s'inscrivent dans la continuité Pour sa part, Sara Soujar, jeune activiste en matière des droits humains a souligné d'entrée que les initiatives actuelles s'inscrivent dans la continuité de la lutte menée depuis une longue date par les femmes et du mouvement féministe dans son ensemble dans le but de répondre aux problèmes qui se posent depuis 2011. Pour ce qui est des stratégies poursuivies, elles sont certes différentes, mais elles restent complémentaires, abstraction faite des moyens utilisés (protestataires ou institutionnels). Et ce sont en dernier ressort les institutions qui tranchent. Mais ce qu'il faut remarquer, c'est que plus les protestations dans la rue sont fortes, plus les luttes sont productives et concluantes, a-t-elle dit, notant que les revendications visent désormais l'égalité globale. Depuis 2011, le mouvement revendique son indépendance de l'Etat et des institutions, encouragé en cela par les facilités que lui offrent les moyens technologiques actuels, a-t-elle noté, ajoutant que les réseaux sociaux ont ouvert la voie à la sensibilisation à grande échelle aux droits de la femme et à l'organisation d'actions pour l'obtention de tels droits (appels au boycott par ex et autres). Sont également utilisés divers autres moyens dont l'art et la musique. Quant aux thèmes des actions, ils ont également changé parallèlement aux préoccupations actuelles concernant par exemple les changements climatiques, dont les premières victimes sont les femmes qui sont sorties protester à Figuig ou à Ouarzazate ou celles relatives aux droits du genre et des communautés. Les revendications se poursuivent aussi pour davantage de démocratie et contre les violences faites aux femmes. Selon Soujar, la situation actuelle est toutefois marquée par le recul du rôle des acteurs classiques (partis politiques, syndicats), étant donné que leur impact sur les décisions est de plus en plus limité. Leur plaidoyer n'est plus aussi productif qu'avant et leurs memoranda ne sont plus pris en considération. C'est ainsi que toutes les propositions présentées actuellement pour la révision du code de la famille ne dépassent guère le plafond défini par l'Etat, alors qu'il s'agit de présenter des réponses satisfaisantes aux besoins réels des femmes de demain. Cette évolution, qui dépasse la démocratie numérique, a favorisé l'émergence de nouvelles formes de luttes qui vont au-delà du cadre institutionnel. Elle a par ailleurs fait savoir que l'histoire des militantes est devenue plus visible grâce aux réseaux sociaux, qui ont également favorisé de nouvelles formes de répression et de diffamation exercée non seulement par l'Etat mais également par différents acteurs issus d'autres horizons. Plusieurs activistes sur les réseaux sociaux sont victimes de répression et d'arrestations, en violation de la liberté d'expression. Elle a cité les noms d'un certain nombre de défenseures de droits humains actuellement poursuivies par les tribunaux. Yousra El Barrad : Neuf étapes Yousra el Barrad, chargée de projet Génération Genre auprès de la Fédération des ligues des droits des femmes a distingué neuf étapes dans l'évolution du mouvement féministe au Maroc. Après avoir rendu hommage à la lutte des femmes oubliées telles Fatila Fihria, Seyida el Horra et autres, elle a souligné le rôle de la femme marocaine dans la lutte pour l'indépendance du pays et les revendications qui ont vu le jour dans les années 40 du temps des « Sœurs de la pureté». Après l'indépendance du pays, les femmes ont contribué au mouvement politique et syndical et participé plus tard à la lutte durant les années de plomb, avant l'émergence d'un mouvement plus structuré et mieux organisé dans les années 80 avec la naissance de plusieurs associations et organisations porteuses de nouvelles revendications de la femme marocaine. Au-delà des années 2000, le mouvement a défini des revendications d'un genre nouveau visant à lutter contre la marginalisation et l'exclusion, à travers l'adoption de nouvelles approches (Wad, Wid, Gad) pour une plus grande intégration des femmes dans l'œuvre de développement. Elle a également fait savoir que la lutte s'est intensifiée contre le patriarcat et le matriarcat et le système d'exploitation capitaliste en général. Lamya Ben Malek, la fille de son temps De son côté, Lamya Ben Malek, très jeune militante féministe sur les plateformes digitales a souligné d'entrée que la réussite de toute action visant à renforcer les droits de la femme est tributaire du degré de complémentarité entre les différents acteurs en la matière. Présentant son expérience personnelle, elle a indiqué qu'en l'absence de cette coordination entre les différents acteurs, ces derniers se tirent les cheveux, alors qu'ils défendent les mêmes causes. Se présentant être « la fille de son temps » en se lançant dans le cyber féminisme, elle a indiqué que cet outil a la particularité de faciliter la circulation des idées et des plaidoyers comme ce fut le cas des campagnes Mee Too contre le harcèlement sexuel dans le monde et les violences sexuelles au Maroc. Elle a toutefois fait savoir qu'en dépit du fait que le cyber féminisme dispose d'une audience intéressante, il est dominé par la prévalence du slacktivisme, qui fait que les gens se limitent au militantisme sur leurs téléphones. C'est le point le plus faible de cette action, qui fait les activistes ne maitrisent pas le terrain, étant donné qu'ils agissent loin des institutions et des forces qui opèrent sur le terrain. Selon Lamya Ben Malek, la dépolitisation du mouvement constitue une véritable limite aux actions à mener pour arracher des acquis en matière des droits des femmes. C'est la raison pour laquelle, il importe d'établir des partenariats avec les institutions pour pouvoir être plus productif dans l'intérêt de la femme marocaine, a-t-elle estimé.