Nabil EL BOUSAADI Bien qu'il perdure depuis le début du siècle dernier et qu'il ait connu des périodes de grandes tensions mais aussi des phases d'accalmie, on a l'impression que le conflit qui oppose les Palestiniens à Israël n'a vu le jour que le 7 Octobre tant celui-ci est, depuis cette date, au centre de toutes les attentions. Jusque-là réservé à des cercles particuliers intéressés par les questions d'ordre politique, le sujet a subitement franchi les portails des différents campus universitaires américains et y suscite des débats passionnés. À l'université Georgetown de Washington, c'est un mail de la direction qui aurait mis le feu aux poudres quand, en déplorant la mort des civils israéliens suite à l'attaque perpétrée par le Hamas, la Direction de l'Université avait semblé avoir délibérément nié l'existence de victimes Palestiniennes ; ce qui, en n'étant pas passé inaperçu avait poussé plusieurs enseignants à reprocher, par écrit, au président de l'Université, son silence concernant les souffrances des Palestiniens alors même que ces derniers paient, de leur sang, depuis plus de sept décennies, le prix de la plus abjecte des colonisations. Jugé très maladroit par de nombreux étudiants, ce mail avait suscité des débats houleux au cours desquels les protagonistes s'étaient tellement opposés entre le soutien « inconditionnel » qu'il conviendrait d'apporter à Israël, la situation humanitaire dans la Bande de Gaza en tant que véritable prison à ciel ouvert et la qualification des combattants du Hamas de terroristes, qu'il fut impossible de trouver une « position » qui fasse consensus. Mais l'Université Georgetown n'est pas une exception dès lors qu'à Harvard, cette autre prestigieuse université américaine, les administrateurs, les enseignants et les étudiants continuent encore de se livrer à une véritable bataille rangée et à s'accuser mutuellement de harcèlement, d'antisémitisme, voire même de génocide. Tout avait commencé lorsqu'au lendemain de l'attaque du Hamas et juste après les premiers bombardements effectués par l'armée israélienne, une trentaine de groupes et de clubs étudiants avaient cosigné et diffusé, sur le campus de l'Université, une lettre dénonçant « le régime d'apartheid d'Israël » et accusant ce dernier d'être « responsable de toutes les violences » qui ont façonné « tous les aspects de la vie palestinienne depuis 75 ans ». Comme il fallait s'y attendre, cette accusation aussi grave qu'inattendue avait mis en branle tout le campus. Elle parviendra même à prendre un tour médiatique lorsqu'un directeur et des élus qui avaient fait leurs études au sein de cette université – à savoir, les élus républicains Elise Stefanik et Ted Cruz et le démocrate Jake Auchincloss – avaient appelé la direction de l'Etablissement à réagir fermement. Mais le campus s'était enflammé encore plus lorsqu'un deuxième texte, soutenu par plusieurs professeurs et des milliers d'étudiants, avait qualifié de « complètement erroné et profondément offensant » le fameux communiqué pro-palestinien et que, pour nuire à ses promoteurs, une camionnette, amenée par un groupe conservateur, avait circulé, pendant toute une journée, autour du campus en affichant, sur un grand écran, les photos et les noms des signataires du texte incriminé barrés de la mention « Antisémite ». Appelée à réagir Claudine Gay, la présidente de l'Université, a condamné « les atrocités terroristes perpétrées par le Hamas » tout en rappelant que « sur ce sujet comme sur d'autres (les) étudiants ont le droit de s'exprimer en leur nom mais (qu') aucun groupe étudiant (...) ne parle au nom de l'université Harvard ou de sa direction ». Considérant qu'aux Etats-Unis, la liberté d'expression qui est fortement protégée par la Constitution est un sujet d'attention au sein des campus, là-même où s'était forgée l'opposition à la guerre du Vietnam, attendons pour voir... Nabil EL BOUSAADI