Le Russie serait-elle de retour en force en Afrique? C'est la question que de nombreux observateurs s'opposent aujourd'hui après l'organisation de ce premier sommet «Russie-Afrique», sous un nouveau vernis diplomatique et politique. La question est souvent placée dans le contexte de la politique étrangère de Moscou et son ambition d'asseoir son statut de puissance d'influence mondiale. En effet, après le tournant vers l'Asie, amorcé dès le premier mandat de Vladimir Poutine, et le retour diplomatiquement réussi au Moyen-Orient avec le conflit syrien, Moscou, qui se veut pragmatique, souhaite réinvestir le continent africain et est prête à s'engager avec tous les pays exprimant un intérêt. A ce propos, nombre d'observateurs soulignent que la politique du Kremlin dans ce sens obéit à ce pragmatisme politique russe. En 1992, conjoncture politique mondiale oblige après la chute du mur de Berlin, Moscou a mis en veilleuse son ambitieuse politique africaine de la guerre froide, en fermant neuf ambassade et quatre consulats sur la terre africaine. Vingt-sept ans plus tard, la donne politique mondiale a changé avec la «reconfiguration» du Proche-Orient et ce qu'on appelle le «printemps arabe», la Russie, semble-t-il, a revu ses politiques pour être en phase avec le nouveau contexte régional et mondial et surtout pour jouer un rôle important dans l'équilibre et le rapport des forces à l'échelle mondiale. Jusque-là son positionnement par rapport à l'épineux fichier syrien et la guerre contre l'Etat islamique (EI) dans la région a remis Moscou sur le devant de la scène internationale comme acteur incontournable dans la gestion de ces conflits et des foyers de tensions au Moyen-Orient quels que soient leurs toiles de fond. C'est ce qui ambitionne aujourd'hui l'orientation de la Russie vers le continent africain. Pour ce faire, les Russes disposent déjà de facteurs et de paramètres qu'ils mettraient à profit dans cette conquête/reconquête. Ainsi, le Kremlin pourrait mobiliser ses anciens réseaux de la guerre froide et convertir ses anciennes affinités idéologiques en flux d'affaires. Ainsi des avantages économiques et financiers sur un terrain qui échappent aux sanctions occidentales seraient cédés en contrepartie des biens et des services sécuritaires russes. Mais le continent africain est déjà un espace de compétition entre les anciennes puissances coloniales et les pays émergents, dont de nombreux sont des partenaires de Moscou. Ce qui pousse à s'interroger comment cette ambition russe se concrétisera-t-elle face à l'Europe et aux Etats-Unis d'Amérique, mais aussi la Chine? La Chine, rappelle-t-on, a déjà derrière elle sept éditions de son Forum sur la coopération sino-africaine (FOCAC), qui se solde tous les trois ans par l'annonce de milliards de dollars, que ce soit sous forme d'aide, de prêts ou de marchés octroyés à des entreprises chinoises. C'est dire que ce retour serait difficile sur le plan économique. Durant la guerre froide, l'implication de la Russie en Afrique était partie intégrante de la lutte globale contre l'occident. Aujourd'hui, dans quelle approche serait-elle inscrite ? Telle est la question.