Le président de la Fédération de Russie, Vladimir Poutine, effectuera une visite officielle au Maroc, les 6 et 7 septembre, à l'invitation du Roi Mohammed VI. Les chancelleries occidentales qui suivent de très près cet évènement, ne cachent pas leurs inquiétudes envers les percées politico-économiques enregistrées par cette puissance dans la région du Maghreb. Les Américains ne sont pas les seuls à s'interroger sur les limites de la stratégie mise en place par Moscou concernant non seulement le Moyen-Orient, mais aussi, l'Afrique du Nord. Les Européens, de leur côté, affichent clairement leurs craintes de l'influence progressive de la Russie, notamment dans les secteurs, gazier et financier, sans exclure les ventes d'armes ni la coopération dans le domaine du nucléaire comme c'est le cas avec l'Iran. L'angoisse des Européens s'est traduite explicitement et implicitement à la veille de l'arrivée de Poutine au Maroc. En effet, concernant le premier volet, les deux grands groupes français, Gaz de France et Suez, en phase de fusion pour créer un géant en matière d'énergie en Europe, ont mis en garde contre le danger grandissant émanant du récent accord conclu entre la russe Gazprom et l'algérienne Sonatrach. Le ministre français des Finances, Thierry Breton, est allé encore plus loin en parlant d'une éventuelle «guerre d'énergie». Si certains milieux au Quai d'Orsay tiennent à minimiser l'importance de la visite du président de la Fédération de Russie au Maroc, des analystes politiques estiment, par contre, qu'elle aura des résultats considérables et significatifs. Ces derniers précisent que le Maroc qui a su jusque-là préserver ses intérêts nationaux sans jamais prendre part dans les conflits d'intérêts des grands de ce monde, jouera à fond la carte de la mondialisation ; ce, en diversifiant encore plus ses partenariats. Et ces analystes d'ajouter : «le Roi Mohammed VI, qui a lancé de grands chantiers pour développer son pays, réussit à attirer des investissements de taille. Il ne pourra qu'ouvrir les portes aux entreprises russes intéressées par les potentialités existantes». Dans ce contexte, force est de souligner que les Russes ont, ces trois dernières années, découvert les opportunités offertes par le Royaume. Ce qui a incité le Maroc à s'ouvrir de plus en plus en signant des conventions de coopération portant sur plusieurs domaines, notamment économiques. Pour mieux faire avancer les choses, les Russes pourraient désormais entrer au Maroc sans visa. En invitant Vladimir Poutine, le Souverain Chérifien sait ce qu'il fait, a confié à La Gazette du Maroc, vendredi dernier, un ancien ministre français des Affaires étrangères. Surtout, après que le G7, ce club des sept pays les plus industrialisés, ou encore les plus riches, a fini par lui faire une large place en son sein, pour devenir le G8. La réunion de cette entité, il y a un peu plus de deux mois, à Saint Petersbourg, en est la preuve voire la reconnaissance par les grands de cette planète, du retour de l'influence de la Russie sur la scène internationale. Et, par là, elle n'est plus considérée comme étant une «brebis galeuse» malgré les craintes des uns et les inquiétudes des autres qui n'arrivent pas à réaliser jusqu'ici les profonds changements intervenus. La Russie de Vladimire Poutine qui a laissé la place aux seuls intérêts n'a pas choisi par hasard le Maroc pour consolider sa percée politico-économique. Ses experts avaient bien évalué les opportunités offertes par ce pays avant de préparer les dossiers que portera le nouveau tsar dans ses valises. C'est de l'avis d'Evguini Primakov, ancien premier ministre, ancien patron du KGB, également grand spécialiste du monde arabe. Ce dernier, de passage à Paris, a commenté la détermination de Moscou à réaliser une véritable percée en Afrique du Nord par la phrase suivante : «La Russie se donne maintenant les moyens pour reprendre la place qu'elle occupait». Et d'ajouter : «le Maroc, qui se présente comme un marché porteur où les investisseurs se positionnent ne doit pas échapper aux intérêts de la Russie». Nuances et raisons Si le Kremlin a des objectifs «pointus» vis-à-vis de son partenariat avec l'Algérie, portant notamment sur le traitement de la dette, la renégociation des contrats d'armements et l'introduction de Gazprom malgré les pressions américaines, son approche est très différente envers le Maroc. En effet, les Russes qui affirment sans cesse que la stabilité politique du Royaume ainsi que la réussite de la libéralisation économique auxquelles s'ajoutent les énormes potentialités existantes, sont à l'origine de la conviction qui les pousse à asseoir un réel partenariat. Moscou est d'emblée consciente qu'elle ne pourra imposer une quelconque condition politique à Rabat ; moins encore l'achat d'armement, ce qui inquiète, sans raisons, les Algériens ou certains pays européens qui entretiennent des relations privilégiées dans ce domaine avec le Maroc. A cet égard, on apprend que certaines antennes représentant ces pays cherchaient en vain, tous azimuts, ces dernières semaines à rassembler le maximum d'informations portant sur d'éventuelles propositions qui seront offertes dans ce domaine par les Russes. Néanmoins, ce que les Russes ont tenu à laisser infiltrer, c'est que leur président a l'intention de donner une autre dimension à la coopération avec le Maroc. Surtout que Moscou, dit-on, apprécie beaucoup les résultats réalisés jusqu'ici entre les deux pays. Dans ce contexte, on apprend que les secteurs de l'énergie, des télécoms, des infrastructures, de la technologie, des banques et plus particulièrement les privatisations, seront au menu du président Poutine au Maroc. Cela ne veut pas dire cependant, selon les observateurs, que des accords seront signés lors de cette visite. Parmi les autres raisons les plus significatives de l'orientation de la Russie vers le Maroc, l'anticipation sur des pertes de positions sur le marché libyen. Moscou, qui suit avec grande inquiétude le retour en force de l'influence américaine en Libye, voit d'un très mauvais œil l'envahissement des grands groupes yankee de certains domaines de l'économie libyenne, notamment, ceux des hydrocarbures et des infrastructures. La présence d'Halliburton, de Bechtel, de Chevron et bien d'autres à laquelle s'ajoute l'entraînement en cours des pilotes libyens sur la nouvelle génération de Boeing 737-800 ne pourra que jouer dans l'intérêt de l'investissement russe au Maroc. En effet, l'investissement dans le domaine du banking est devenu une des priorité de la stratégie d'expansion économique de la Russie. Après l'ouverture d'un bureau régional de Gazprom-Bank à Beyrouth à la veille de la dernière guerre pour gérer les investissements aussi publics que privés russes, Moscou a l'intention d'inaugurer un deuxième pour la région d'Afrique du Nord. Dans ce cadre, le Maroc est, semble-t-il, le mieux placé pour l'abriter. Dans ce même ordre d'ouverture bancaire, les autorités russes concernées étudient l'élargissement du champ d'activité de la banque Globex. Cette dernière qui avait, fin août dernier, annoncé qu'elle appliquera les concepts de la Charia. Une première en Russie. C'est dans ce contexte qu'elle a reçu un prêt de 25 milliards de $ de la part de Dubaï Islamic Bank. Les yeux sont braqués Si au Maroc, la visite de Vladimir Poutine est considérée comme similaire à celle d'autres grands chefs d'Etat qui se rendent sur invitation du Souverain, celle-ci est cependant vu autrement de l'extérieur. Notamment, par les analystes politiques spécialistes de la Russie qui la situe au cœur de la stratégie d'expansion et d'influence de l'ancienne deuxième puissance mondiale qui cherche aujourd'hui à récupérer son rôle par le biais des nouveaux instruments imposés par la mondialisation ; à savoir, en premier lieu, l'investissement et la coopération économique. De ce fait, chaque dossier qui sera discuté entre les deux parties, mercredi et jeudi prochains sera l'objet d'un fin décryptage des établissements concernés aussi bien en Europe qu'aux Etats-Unis. Il serait nécessaire voire indispensable de lire toutes les analyses et tous les articles qui seront publiés dans les médias et les centres de recherche dans ces pays sur l'impact et les résultats de cette visite qui n'est pas du tout une visite de courtoisie. Car, pour la simple raison, cette culture ne compte pas pour le président de la Fédération de Russie, connu pour son pragmatisme et son sang froid. Vladimir est venu au Maroc pour réaliser du concret avec un pays qui le considère comme utile à la stratégie qu'il avait mise en place. D'autant qu'il sait que la conjoncture internationale aussi bien que régionale permet une percée réussie en Afrique du Nord, malgré les inquiétudes des partenaires traditionnels. La Russie, qui avait remboursé par anticipation toutes ses dettes, qui possède désormais d'énormes dépôts auprès de ses banques dont les grands groupes concurrencent avec succès ceux du restent du G8, est prête à s'engager dans des gros projets au Maroc. De son côté, le Royaume a, en contre-partie, les capacités qui répondent parfaitement aux demandes des Russes. L'intérêt est donc réciproque ; d'autant qu'il y a, de part et d'autre, une intention de renforcer les relations bilatérales. Les observateurs, notamment occidentaux, s'attendent à d'importants résultats de cette visite officielle de Poutine au Maroc. Le contenu de quelques rapports établis par les différents services diplomatiques et économiques russes présents dans les capitales des pays d'Afrique du Nord, vont dans ce sens. UNE CENTRALE NUCLEAIRE AU MAROC De sources concordantes russe et européenne, on apprend que les discussions qui seront effectuées lors de la visite du président de la Fédération de Russie, Vladimir Poutine, au Maroc, se concentreront, entre autres, sur la construction d'une centrale nucléaire à des fins civiles. La production d'électricité ainsi que le dessalement de l'eau de mer vient en tête des raisons qui poussent le Maroc à accorder cette grande importance à ce sujet. Les deux parties sont quasi-certains qu'il n'y aura aucune objection de la Communauté internationale envers ce projet qui pourra résoudre des problèmes vitaux pour le Royaume. Pour ce qui est des modalités de financement de cette centrale au cas où les discussions aboutissent, le Maroc aurait alors recours aux différents Fonds de développement ainsi qu'à la Banque mondiale. Ce qui prouve que la construction de cette centrale nucléaire a préalablement le feu vert international demandé.