L'année écoulée a été marquée par ces deux grands conflits armés qui ont mis à feu et à sang la Syrie et le Yémen et plongé leurs populations civiles dans le chaos et la désolation car quelles que soient la nature ou l'intensité des conflits armés, leurs premières victimes sont toujours les populations civiles quand bien même le droit humanitaire international exige leur protection de la part de tous les protagonistes. Mais comme ces derniers méprisent généralement les règles les plus élémentaires du droit international humanitaire, ce sont toujours les populations civiles qui paient le plus lourd tribut des conflits et des guerres. Les bombardements, fussent-ils aériens ou terrestres, n'épargnent jamais les infrastructures civiles (hôpitaux, bâtiments publics…); ce qui plonge automatiquement leurs occupants dans l'horreur. Mais il n'y a pas que cela car, en période de guerre, ces populations font aussi l'objet de tortures, de détentions arbitraires, de disparitions forcées… Et si les femmes sont victimes de toutes sortes de sévices et violences sexuelles, les enfants, quant à eux, ne sont pas toujours épargnés et sont parfois enrôlés de force dans les combats. S'agissant de la Syrie, il y a lieu de rappeler que ce que certains appellent aujourd'hui «guerre civile syrienne» et d'autres «révolution syrienne», a débuté en mars 2011 dans la foulée du « Printemps arabe» lorsque des manifestants avaient réclamé – au président Bachar Al Assad et de manière pacifique – des réformes «démocratiques». Mal leur en prit car ce dernier, qui n'est pas homme à l'entendre de cette oreille, a immédiatement dépêché ses troupes afin de réprimer la manifestation tant et si bien que le mouvement de contestation – pacifique au début – a rapidement dégénéré et pris la forme d'une rébellion armée. Aussi, en se prolongeant dans le temps, ce conflit est devenu à la fois une guerre civile, une guerre confessionnelle et une guerre par procuration car, outre les syriens des deux camps, y sont engagés, également, l'Iran, la Russie, la Turquie et, bien entendu comme partout dans le monde, les Etats-Unis. A noter, au passage, qu'il y a à peine une dizaine de jours que le Président Donald Trump a décidé de faire rentrer ses soldats à la maison pour «ne plus jouer le gendarme au Moyen-Orient». Excellente initiative s'il en est mais après combien de morts, de disparus et de déplacés ? D'après diverses ONG, le conflit syrien qui a donné lieu à des attaques à l'arme chimique, à des crimes de guerre et à des crimes contre l'humanité, aurait fait jusqu'à ce jour plus de 500.000 morts. La répression exercée par le régime contre l'opposition – ce que l'ONU appelle «politique d'extermination» – s'est soldée par la disparition, dans les prisons de Bachar Al-Assad, de près de 200.000 personnes parmi lesquelles au moins 17.000 auraient péri à la suite de tortures jusqu'à la mort et près de 13.000 auraient été tués par pendaison et ce, principalement dans la sinistre prison de Saidnaya. Enfin, si la moitié de la population syrienne a été déplacée durant ce conflit qui perdure depuis 2011, ce sont plus de 5 millions de syriens – soit le quart de la population totale du pays – qui ont été obligés de fuir à l'étranger pour échapper à la famine, à la torture et à la mort. L'autre conflit qui a plongé la population civile dans un total dénuement est celui qui se déroule au Yémen depuis plus de trois années mais dont les médias avaient fait peu de cas. Pourquoi donc? Peut-être était-ce parce qu'en première ligne se trouve une coalition menée par l'Arabie Saoudite et que cette dernière a coutume d'acheter, à coup de pétro-dollars, le silence des uns et l'aval des autres. Une des raisons ayant permis à l'Arabie Saoudite et à ses alliés d'éviter un tollé à propos de leur intervention au Yémen tient au fait que le nombre de victimes avait été largement minimisé. En effet, les statistiques parlaient de 10.000 morts en trois années et demi de conflit ; ce qui est bien en-deçà de la réalité au vu de l'ampleur des combats et qui viendrait, en fait, d'un représentant de l'ONU qui parlait des morts civils au début de l'année 2017 ; une donnée périmée extraite du système informatique de santé yéménite endommagé par la guerre mais qui a, tout de même, permis à Riyad et à ses alliés (Emirats Arabes Unis, France, Etats-Unis, et Royaume-Uni) de la brandir pour minimiser les pertes humaines donc de faire en fait comme si ce conflit n'en était pas un. Quoiqu'il en soit, ce n'est qu'après le scandale «Khashoggi» que le monde, contraint de tourner son regard vers la péninsule arabique, a pu découvrir l'étendu du calvaire que vit la population yéménite depuis qu'en 2015 et pour aider le gouvernement du président Abd Rabbo Mansour Hadi à contrecarrer une offensive des «Houtis» soutenus par l'Iran, Riyad avait pris la tête d'une coalition militaire. Ainsi, aujourd'hui, après trois ans de guerre, le pays, qui se trouve en proie à la pire crise humanitaire de son histoire, est divisé en deux ; d'un côté les forces progouvernementales, soutenues par l'Arabie Saoudite et les Emirats Arabes Unis et contrôlant le sud et une bonne partie du centre et, de l'autre, les rebelles chiites aidés par Téhéran qui occupent Sanâa, le nord et une bonne partie de l'ouest. Ce serait donc la mort, dans d'effroyables conditions, du journaliste Jamal Khashoggi qui aurait contraint la communauté internationale à tourner son regard vers cette partie du globe, vers un pays que l'on croyait au-dessus de tout soupçon mais qui s'est révélé être la plus odieuse des dictatures en ce début du 21ème siècle. C'est alors que le monde entier a pu prendre connaissance du calvaire d'un peuple qui, en étant soumis aux incessantes frappes aériennes de la coalition menée par Riyad et à un effroyable embargo, est en train de périr sous un déluge de feu et de mourir de faim. La situation au Yémen est tellement grave qu'elle a été qualifiée par les Nations-Unies de «pire crise humanitaire du monde». Ainsi, parmi les 22,2 millions de personnes qui ont besoin d'une assistance humanitaire, 8,4 millions sont en situation dite de «pré-famine». D'après les rapports élaborés par diverses ONG, 3,3 millions de personnes ont été contraintes de quitter leurs habitations. Parmi ces dernières 1,3 millions ont fui le pays alors que près de 2 millions se sont réfugié dans les gouvernorats de Taizz, Aden et Lahj. Il est vrai aussi que l'ampleur de cette crise peut également trouver son explication dans le fait que, même avant la guerre, le Yémen était considéré, par Transparancy International, comme étant l'un des dix pays les plus corrompus du monde mais aussi l'un des plus pauvres. C'est donc l'assassinat du collaborateur saoudien du Washington Post qui a révélé au monde le vrai visage de l'Arabie Saoudite et de son nouvel homme fort, le Prince Mohammed Ben Salmane à qui les Etats-Unis s'abstiennent, désormais, d'accorder leur soutien. Washington réclame même l'ouverture de négociations de paix et la fin des frappes aériennes de la coalition. La chancelière allemande Angela Merkel avait été la première dirigeante du monde occidentale à prendre la décision de ne plus vendre d'armes à l'Arabie Saoudite. Même son de cloche du côté de Paris qui, au nom de la préservation de la sécurité de l'Arabie Saoudite, fournissait, sans discontinuer, à Riyad toutes les armes dont le pays avait besoin mais qui, après cette affaire, a commencé à mettre de l'eau dans son vin. Florence Parly, la ministre française des armées, avait même estimé, au micro de BFM-TV, qu'il était «plus que temps» que cette guerre s'arrête alors que, dans les travées de l'Assemblée Nationale, on avait commencé à s'interroger sur le bien-fondé de la vente d'armes à Riyad au vu du désastre humanitaire qui sévit au Yémen. Que souhaiter donc au seuil de cette nouvelle année 2019, sinon que les pourparlers engagés à Stockholm par les deux protagonistes du conflit yéménite ; à savoir le gouvernement de Abd Rabbo Mansour Hadi et les Houtis, ouvrent la voie à une paix durable et à la «reconstruction» du pays et que, de l'autre côté, le désengagement des troupes américaines en Syrie puisse pousser les autres parties au conflit syrien à revoir leurs cartes et – pourquoi pas ? – à déposer les armes et à emprunter ensemble le chemin de la réconciliation car, malgré leur «cruauté» et leur «froideur», les règles de la géopolitique n'interdisent pas toujours le rêve. Alors espérons et attendons pour voir…