Une grande divergence ressort des taux de participation annoncés par le gouvernement et les centrales syndicales concernant la grève nationale de 48 heures observées (ou pas) les 5 et 6 février. Selon Younes Sekkouri, le ministre de l'Inclusion économique, de la Petite entreprise, de l'Emploi et des Compétences, le taux de participation a atteint 32% dans le secteur public et seulement 1,4% dans le secteur privé. Par secteur, la participation s'élève à 35,5% dans l'enseignement, 33,3% dans la santé, 30,5% dans la justice, 26,4% dans les collectivités locales et 25,9% dans les établissements publics. En revanche, les syndicats revendiquent « une mobilisation massive et historique ». Dans un communiqué rendu public mercredi, l'UMT annonce un taux de participation de 84,9%. « Dès le premier jour de la grève, plusieurs secteurs stratégiques ont été paralysés » ajoute l'UMT en affirmant que « la première journée de mobilisation a dépassé toutes les prévisions syndicales, avec une participation massive des travailleurs, toutes catégories confondues ». Les centrales syndicales avaient ratissé large pour vendre leur grève. Problème du pouvoir d'achat, blocage du dialogue social, adoption de force de la loi organique n°97.15 réglementant le droit de grève... Sur ce dernier point qui a été, selon les syndicats, "la goutte qui fait déborder le vas", Younes Sekkouri crie, indirectement, à la démagogie. S'exprimant lors du point de presse hebdomadaire suivant le Conseil du gouvernement, le ministre a rappelé que le droit à la grève est et reste garanti par la Constitution. « Ce projet de loi a été par ailleurs élaboré pour protéger le droit à la grève y compris cette grève nationale (selon les termes de la loi n° 97.15) menée depuis deux jours. C'est un droit garanti par la Constitution pour tous les syndicats représentatifs des travailleurs », indique le ministre. Du reste, citant le chef du gouvernement, Aziz Akhanouch, Sekouri a noté l'importance des relations du gouvernement avec les représentants syndicaux pour l'intérêt national. « Je tiens par ailleurs à les féliciter par ailleurs pour leur sens nationaliste et pour leur contribution remarquable dans l'élaboration et l'amélioration de ce texte par leurs propositions dont une bonne partie a été intégré en dehors des modifications qui n'ont pas été adoptées », explique le ministre. Se projetant dans l'avenir, Sekkouri a insisté sur la nécessité de la poursuite du dialogue social avec les syndicats. « Nous resterons à l'écoute des partenaires sociaux afin de trouver un terrain d'entente et des solutions pour remédier à tout blocage », a-t-il conclu. À noter que lors d'une séance à la Chambre des représentants tenue mercredi 5 février, Younes Sekkouri a répondu aux détracteurs du projet de loi sur l'exercice du droit de grève en défendant la définition de ce droit incluant "le droit des personnes souhaitant faire grève de défendre non seulement leurs intérêts matériels, mais aussi leurs intérêts moraux". Le ministre a souligné égalementque, pour la première fois depuis plus de 63 ans, le Maroc dispose d'« une définition claire, précise et parfaitement alignée avec celle des organisations internationales, considérant la grève comme une cessation temporaire du travail ». De son côté, la CGEM s'est félicitée de la promulgation de la loi 97.15 relative à l'exercice du droit de grève «marquant un tournant dans l'histoire du dialogue social du Maroc». Dans une correspondance adressée aux membres du patronat, le patron des patrons a rappelé que le fait de doter le Maroc d'un cadre juridique clair et équilibré sur l'exercice du droit de grève était une priorité majeure de « son » mandat à la présidence de la CGEM. « Le texte qui a été adopté est équilibré: il garantit d'une part l'exercice légitime du droit de grève des salariés et d'autre part, la liberté de travail à travers des règles claires pour protéger les non-grévistes, les employeurs et l'entreprise », note le président de la CGEM. Ce dernier estime que le texte offre un cadre propice à la « résolution pacifique et concertée des différends qui peuvent survenir dans la vie d'une entreprise». D'après Alj, «Cette loi contribuera à améliorer l'environnement des affaires au sein de notre pays, à consolider la confiance des investisseurs nationaux et internationaux et à renforcer la compétitivité de toutes les entreprises, notamment les TPME ». Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a déjà émis un avis critique sur le projet de loi organique n° 97.15, qui vise à encadrer les conditions et modalités d'exercice du droit de grève au Maroc. Adopté à l'unanimité lors d'une session extraordinaire le 10 septembre 2024, cet avis souligne plusieurs points de préoccupation concernant le texte. Le Conseil note un déséquilibre notable dans la structure du projet de loi et s'inquiète par rapport à la prédominance de l'aspect répressif dans le projet de loi. En conclusion, le CESE souligne que la réglementation de l'exercice du droit de grève doit être avant tout un projet de société, conforme aux références constitutionnelles et aux engagements internationaux, assurant la sécurité juridique et garantissant un équilibre des intérêts entre les différentes parties prenantes.