Après avoir aisément gagné la partie à la Chambre des représentants, le gouvernement est rattrapé par la vague de contestation des centrales syndicales sur son projet de loi organique sur le droit de grève. Désormais, il est question d'apporter des amendements de fond, mais cela sera-t-il suffisant pour calmer la colère des syndicats ? Quid de son impact sur l'année sociale ? La partie s'annonce plus difficile que prévue pour le gouvernement. Face à la levée de boucliers des syndicats, le ministre de l'Inclusion économique, de la Petite entreprise, de l'Emploi et des Compétences, Younes Sekkouri, est apparemment obligé de revoir sa copie. Certes, le projet de loi organique sur le droit de grève est déjà adopté par la Chambre des représentants, mais d'importantes modifications peuvent encore être apportées lors de son examen à la Chambre des conseillers. D'ailleurs, le texte y est actuellement discuté en commission, avant la plénière prévue le 15 janvier. En attendant, le ministre fait savoir que le gouvernement est prêt à apporter des «amendements de fond» afin de satisfaire les revendications des travailleurs. Retrait du texte ? Des amendements qui, certainement, ne seront pas suffisants pour calmer la colère des syndicats, dont presque l'ensemble des centrales syndicales exigent le retrait en bonne et due forme de ce projet de loi. C'est le cas, par exemple, de l'Union marocaine du travail (UMT), qui a d'ailleurs boycotté la rencontre convoquée par Sekkouri avec des représentants des centrales syndicales et de la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM), mercredi dernier, 8 janvier. «En l'absence de toute intention sincère d'engager un dialogue sérieux et responsable afin d'améliorer la version actuelle du projet de loi, l'Union a refusé d'assister à la réunion», justifiait l'UMT dans un communiqué. Apparemment, le forcing du gouvernement à la Chambre des représentants, où il dispose d'une majorité confortable, a encore du mal à passer. Globalement, les centrales syndicales estiment qu'il faut prévoir un cadre de négociations plus large et mieux structuré afin d'évaluer point par point les dispositions du projet de loi organique n°97-15 définissant les conditions et modalités d'exercice du droit de grève. C'est le point de vue exprimé par la Confédération démocratique du travail (CDT), dont le représentant, lors de la réunion avec Sekkouri, a insisté pour que ce projet soit discuté d'abord dans l'agenda du dialogue social, à l'instar d'autres lois sociales. Amendements Pour les syndicats, ce projet de loi de grève est liberticide pour les droits des travailleurs quant à l'option d'aller en grève. Le retrait des dispositions la soutenant, ainsi que la mise en place d'un dialogue sectoriel et social, en plus de l'élargissement du dialogue avec tous les syndicats, sont ainsi exigés, sans parler du renforcement des libertés syndicales. Younes Sekkouri, qui promet de revoir sa copie, doit donc décider ce qu'il peut ou non accepter. Mais, d'ores et déjà, se dégage l'impression que l'on a mis la charrue avant les bœufs. Et malheureusement, cela n'a fait que réveiller les vieux démons de la contestation, avec une année sociale qui s'annonce tendue, même si le gouvernement pensait avoir trouvé la solution miracle, grâce à l'accord social signé en avril 2024. En tout cas, au regard de la configuration et de la composition de la Chambre des conseillers, on peut dire que le même scénario risque de se répéter à la Chambre des représentants, mais avec des conséquences lourdes sur les relations entre le gouvernement et les partenaires sociaux, et surtout sur l'année sociale. Ce qui appelle à plus de dialogue et de concertations entre les différentes parties. Younes Sekkouri Ministre de l'Inclusion économique, de la Petite entreprise, de l'Emploi et des Compétences «Le gouvernement est disposé à apporter des amen dements de fond au projet de loi organique relatif à la grève. Cette démarche vise à répondre aux revendications des travailleurs». Mohamed Zouiten Secrétaire général de l'Union nationale du travail au Maroc (UNTM) «Nous appelons le gouvernement à redoubler d'efforts et à répondre positivement aux revendications liées à la loi sur la grève, à travers le dialogue sectoriel et social, l'élargissement du dialogue avec tous les syndicats, ainsi que le renforcement des libertés syndicales». Youssef Aidi Secrétaire général de la Fédération démocratique du travail (FDT) Les acquis cumulés en matière d'exercice du droit de grève au Maroc ne peuvent faire l'objet d'aucune restriction. Le droit de grève doit être garanti aux travailleurs conformément aux dispositions internationales en vigueur. Abdellah Benahmed / Les Inspirations ECO