Le rythme effréné des annonces de Donald Trump laisse pantois, tandis que leur contenu confère une impression de chaos calculé. Parmi celles-ci, la plus déconcertante demeure sa déclaration concernant la bande de Gaza, territoire dévasté par des années de conflit, que le président américain souhaiterait transformer et vider de ses habitants palestiniens. Cette proposition, aussitôt relayée par les médias internationaux, place une fois de plus Trump au cœur des discussions planétaires. Or, cette centralité médiatique n'est nullement fortuite : elle s'inscrit dans une stratégie de communication bien rodée, visant à saturer l'espace public de déclarations tonitruantes pour anesthésier l'opinion. Cette méthode trouve ses racines dans les théories de Steve Bannon, ancien conseiller influent de Trump. Dans une vidéo de 2019, révélée par les médias américains, Bannon expose sans ambages sa vision des médias : « Les médias sont l'opposition, et comme ils sont stupides et paresseux, ils ne peuvent s'intéresser qu'à une chose à la fois. Tout ce que nous avons à faire, c'est noyer la zone. Chaque jour, nous devons leur balancer trois choses. Ils en mordront une, et nous pourrons faire nos affaires. Bang, bang, bang, ils ne s'en remettront jamais. » Cette stratégie de diversion permet à Trump de détourner l'attention des sujets sensibles, en imposant un rythme effréné de polémiques qui captivent l'opinion publique et les médias. Au-delà de cette tactique médiatique, l'annonce sur Gaza révèle la vision trumpienne de la politique internationale : une approche transactionnelle, où les relations diplomatiques se réduisent à des négociations brutales et à des coups d'éclat destinés à obtenir des concessions. Le passé de Donald Trump regorge d'exemples de ce type : des déclarations provocatrices, conçues comme des écrans de fumée pour occulter des manœuvres plus subtiles et réalistes. Ainsi, lorsqu'il menaçait de s'emparer du canal de Panama, ce n'était qu'une tactique pour pousser le gouvernement panaméen à résilier un contrat avec une entreprise hongkongaise contrôlant des ports stratégiques. De même, les bras de fer commerciaux avec le Mexique et le Canada sur les droits de douane ont rapidement cédé la place à des compromis, présentés comme des victoires retentissantes par Fox News, principal relais médiatique de la Maison-Blanche. Lire aussi : Trump annonce des frappes aériennes « coordonnées » contre le groupe « Etat islamique » en Somalie Dans le cas de Gaza, plusieurs éléments laissent penser que cette annonce n'est guère plus qu'un nouveau rideau de fumée. D'une part, la mise en œuvre d'un tel projet violerait le droit international, entraînerait l'implication directe de l'armée américaine dans une région en proie à des tensions chroniques, et risquerait de déstabiliser des alliés stratégiques des Etats-Unis au Moyen-Orient. D'autre part, Trump s'est toujours montré réticent à engager des forces américaines sur de nouveaux fronts, préférant la pression économique et diplomatique aux interventions militaires. Cette contradiction apparente suggère que l'annonce pourrait n'être qu'une manœuvre pour faire monter les enchères dans un projet diplomatique plus large, associant l'Arabie saoudite à Israël. Cette vision de la politique internationale repose sur une logique de marchandage : Trump pose des conditions extrêmes pour ensuite les modérer, apparaissant comme un artisan de paix tout en obtenant des concessions stratégiques. Le « plan pour Gaza » pourrait bien être conçu pour préparer le terrain à des négociations où Trump apparaîtra comme le grand conciliateur. En renonçant à cette idée extravagante, il permettrait aux Saoudiens de prétendre qu'ils ont «sauvé» les Palestiniens de l'expulsion, renforçant ainsi leur position sur la scène internationale. Par ailleurs, en concentrant l'attention sur Gaza, Trump détourne le regard des médias sur des sujets plus sensibles, comme la façon dont Elon Musk, avec le soutien tacite de l'administration, a pris des mesures draconiennes contre des agences fédérales, s'accaparant des données stratégiques et poussant les fonctionnaires à la démission. La réaction internationale ne s'est pas fait attendre : des condamnations fermes ont émané de la France et des principales capitales arabes, tandis qu'en Israël, une frange de l'opinion publique s'est réjouie de la perspective. Toutefois, la faisabilité de ce projet reste hautement improbable, tant les risques diplomatiques, militaires et juridiques sont élevés. Ainsi, l'annonce concernant Gaza s'inscrit dans une logique de communication et de politique internationale où le spectaculaire sert d'écran à des stratégies plus discrètes. En noyant le débat public sous une avalanche de polémiques, Donald Trump poursuit son agenda politique en toute discrétion, appliquant à la lettre le stratagème de Steve Bannon : « Bang, bang, bang, occuper les médias pour faire nos affaires. »