Tout le monde avait cru que la fameuse et non moins sulfureuse affaire Khashoggi allait un tant soit peu ébranler son commanditaire, l'homme fort d'Arabie Saoudite, le Prince héritier Mohammed Ben Salmane. Or, il n'en est rien car celui qui avait lié sa montée en puissance à la guerre que son pays avait livré au voisin yéménite en mars 2015 semble avoir repris «du poil de la bête». Loin d'être gêné aux entournures par l'écho planétaire ayant entouré cette sordide affaire de meurtre qui, normalement, aurait dû le pousser à revoir sa politique aussi bien interne qu'internationale, l'héritier du trône d'Al Saoud n'y voit qu'un vaste «complot aux sombres ramifications» ourdi contre son pays par certains détracteurs; ce qui lui donne l'occasion d'aller à la recherche du succès qu'il attend tellement dans ce dossier yéménite. L'homme fort du régime de Riyad entend donc raidir encore plus sa position à l'égard du Yémen en s'appuyant, pour cela, sur le soutien clair et sans équivoque que lui apporte l'actuel locataire de la Maison Blanche. S'alignant sur Riyad, Washington réduit ce conflit à un simple affrontement «par procuration» entre l'Arabie Saoudite et l'Iran au sein duquel les houtistes «ne seraient qu'un instrument»; une position défendue par l'Arabie Saoudite et qui s'appuie sur la résolution 2216 du Conseil de Sécurité de l'ONU laquelle avait exigé, en Avril 2015, que les houtistes retirent «immédiatement et sans condition, leurs forces de toutes les zones dont ils ont pris le contrôle y compris la capitale Sanâa». C'est d'ailleurs, dans la perspective de la mise en œuvre de cette résolution que le Prince héritier saoudien a appelé, lui-même, le chef de la diplomatie britannique Jeremy Hunt en le sollicitant pour une sortie de crise. Mais, la condamnation, par les Emirats Arabes Unis, de Matthew Hedges, un jeune universitaire britannique, à la prison à vie pour une sombre affaire d'espionnage réduit considérablement la marge de manœuvre de Londres dans le dossier yéménite. Aussi, le jour-même du prononcé de ce jugement – le 21 Novembre dernier – le secrétaire d'Etat américain à la Défense a annoncé l'ouverture, en Suède, au début du mois de décembre, de pourparlers de paix sur le Yémen. C'est dans ce cadre que les forces de la coalition Arabie Saoudite-Emirats Arabes Unis ont suspendu leur offensive contre le port de Hodeida d'où transite toute l'aide humanitaire destinée à une population civile en proie à une crise humanitaire d'une rare intensité et que les houtistes se sont engagés, de leur côté, à ne plus tirer de missiles balistiques en direction de l'Arabie Saoudite. Aussi, quand on entend Trump déclarer que c'est l'Iran qui «est responsable d'une sanglante guerre par procuration contre l'Arabie Saoudite au Yémen», on comprend fort bien que ce n'est pas le prince héritier Mohammed Ben Salmane qui va devoir «payer le prix» de la malheureuse «affaire Khashoggi» mais bel et bien le Yémen déjà ravagé par une guerre sans merci et une crise humanitaire sans précédent. Alors, attendons pour voir…