Onze mois après la déclaration de l'indépendance immédiatement invalidée par l'Etat espagnol, ce sont plus d'un million de catalans qui ont battu ce dimanche le pavé des rues de Barcelone pour célébrer leur «Diada» ou «fête nationale de la Catalogne». Et si «El Païs» y voit «une forte mobilisation, un enthousiasme généreux, des slogans imaginatifs, des sourires en abondance et des images à l'esthétique magnifique», «El Periodico» relève, pour sa part, qu'«il n'y a pas en Espagne ou en Europe, un mouvement aussi large et cohérent que le mouvement d'indépendance catalan (dont) le pouvoir de rassemblement ne faiblit pas» A 17h 14 exactement, les manifestants ont levé les drapeaux de la Catalogne libre et clamé à l'unisson «Indépendance» ; cela en commémoration de la prise de Barcelone et donc de la suppression de son autonomie le 11 Septembre 1714 par les troupes du roi Felipe V. Pour rappel, treize leaders catalans dont l'ancien président régional Carles Puigdemont, ayant fui en Belgique, ont été accusés de rébellion par Madrid ; ce qui peut leur valoir jusqu'à 25 années d'emprisonnement. Aussi, la réclamation de l'abandon des poursuites engagées par Madrid contre ces derniers à la suite de la déclaration d'indépendance du 27 Octobre 2017 était la principale revendication des manifestants. Pedro Sanchez, qui dirige le gouvernement espagnol depuis Juin dernier grâce notamment aux voix des indépendantistes essaie de renouer le dialogue. Il a même proposé la tenue d'un référendum sur plus d'autonomie pour la région ; une proposition immédiatement rejetée par Quim Torra, le successeur de Puigdemont, qui exige que Madrid organise un référendum d'auto-détermination faute de quoi, il ne renoncera à «aucune voie» pour mener la Catalogne à l'indépendance alors que, pour Roger Torrent, le président indépendantiste du parlement catalan «aucun dialogue n'est crédible si ceux qui doivent négocier sont maintenus en prison». Par sa forte mobilisation, le camp indépendantiste avait voulu saisir l'occasion de cette «Diada» pour rappeler, aussi bien au pouvoir central qu'à la communauté internationale, qu'il reste puissant malgré la mise sous tutelle de la Catalogne par Madrid mais celle-ci n'est pas parvenue, pour autant, à faire oublier que les catalans ne forment pas un bloc monolithique et homogène. Des divisions subsistent, en effet, dans leur camp, entre les plus modérés de la Gauche républicaine (ERC) qui veulent abandonner la voie unilatérale et les plus radicaux. Lui-même catalan, le ministre espagnol des Affaires étrangères, Josep Borell, estime qu'il aurait été plus judicieux que les catalans célèbrent la fête nationale et «non seulement un appel à l'indépendance partagé par moins de la moitié de la population». Joan Tarda, indépendantiste de gauche et député d'ERC a souligné que «si un indépendantiste est assez ingénu ou stupide pour croire qu'il peut imposer l'indépendance à 50% des Catalans qui ne le sont pas (indépendantistes), il est évident qu'il se trompe». Dans ce même ordre d'idée, la RTVE a parlé de «l'autre Diada», celle des militants du Parti populaire pour lesquels cet évènement exclut la moitié des catalans alors que «Diaro 16» rappelle qu'«il faut se souvenir d'un temps pas si lointain où la Diada était la fête de tous les Catalans et de tous ceux qui vivent à Barcelone, Gérone, Lleida et Tarragone bien qu'ils n'y soient pas nés». Il semble donc que même avec le million de personnes qu'elle a mobilisé ce dimanche cette Diada 2018 a eu un effet contraire à celui escompté. En voulant rappeler au gouvernement central leur profond attachement à l'indépendance de leur région, les organisateurs ont quand même montré leurs divisions sur la question. Alors, de quoi donc demain sera-t-il fait en terres catalanes ? Attendons pour voir…