Les débats suscités par la libéralisation du secteur des carburants, rendue effective depuis le 1er décembre 2015, suite à la publication du rapport de la commission parlementaire sur le sujet ont monté les limites d'une libéralisation mal réfléchie et mal préparée. En effet, les mesures d'accompagnement prévues en cas d'augmentation excessive des prix du baril sur le marché mondial n'ont pas vu le jour, ce qui a laissé le consommateur seul face aux vicissitudes du marché mondial et des sociétés privées de distribution. Au final, les principaux gagnants de cette libéralisation sont le budget de l'Etat qui a épargné une enveloppe annuelle de 35 Milliards de DH et les 20 sociétés de distribution qui ont les coudées franches sur le marché pour répercuter immédiatement sur le consommateur toute augmentation du cours du baril. Il faut rappeler que lors de la discussion sur la réforme de la caisse de compensation, dont la part de lion est affectée au soutien des hydrocarbures, il était bien question de prévoir des mesures d'accompagnement pour atténuer les impacts négatifs prévisibles de la libéralisation.Et ce en consacrant 50 % des gains obtenus à la réduction du déficit budgétaire et 50% à financer des mesures sociales d'accompagnement. Malheureusement, les choses se sont déroulées autrement puisque le gouvernement a fait valoir l'impératif budgétaire et financier sur la nécessité de préserver le pouvoir d'achat et la paix sociale. Cependant, il n'est jamais tard pour rectifier le tir et revenir à une position de sagesse qui tienne compte de tous les intérêts en présence. A ce titre, le gouvernement a annoncé sa volonté de recourir à la mise en place d'un système de plafonnement, sans en dévoiler jusqu'à présent les modalités pratiques. Précisons que le plafonnement consisterait à fixer un prix plafond à la pompe à ne pas dépasser quel que soit le niveau des prix sur le marché mondial. Il s'agira d'un prix optimal qui ne pénalise ni la compétitivité des entreprises, ni le pouvoir d'achat des citoyens. On pourrait le situer, à titre indicatif, dans une fourchette de 8-9 DH pour le gasoil et de 9-10 DH pour le super. Tout en souscrivant à la mise en œuvre de cette mesure qui viendrait, en principe, compléter d'autres mesures visant à soutenir le pouvoir d'achat de la population, nous pensons qu'il faudra agir sur au moins trois leviers : la marge bénéficiaire des distributeurs, la taxe intérieure de consommation et la TVA appliquées aux hydrocarbures, et le ciblage de certaines catégories des transporteurs. Sans omette de se pencher sérieusement sur la situation de la SAMIR. Concernant la marge bénéficiaire des distributeurs qui semble modeste à première vue, nous pensons, à la lumière des informations disponibles, qu'il y a un effort à faire au niveau des principaux déterminants. Ainsi, des économies peuvent être réalisées en maîtrisant davantage les coûts de transport et les frais de stockage. Par exemple, au lieu que chaque société «se débrouille comme elle peut», mieux vaudrait créer des synergies pour bénéficier des économies d'échelle. Pour ce qui est de la fiscalité, sous forme de TIC (taxe intérieure de consommation) et de TVA, l'introduction d'une certaine flexibilité et de souplesse peut jouer un rôle important en matière de plafonnement. L'on sait, en effet, que le produit de la fiscalité représente à lui seul 37 % du prix du gasoil et 44% du prix de l'essence sur la base d'une TIC de 2,42 DH le litre du gasoil et 3,76 DH le litre du super et d'une TVA à l'importation de 10%. On pourrait, le cas échant, envisager une révision à la baisse de ces taux. Le plus simple serait d'agir sur la TVA. Bien sûr, on nous rétorquera que cela entrainerait une réduction des recettes budgétaires. C'est une évidence, mais à une situation exceptionnelle, des mesures exceptionnelles!! Reste la question du ciblage dont on parle beaucoup et qu'on n'a jamais testé. On peut, à cet égard, cibler les transporteurs de voyageurs et de marchandises en leur accordant une subvention pour ne pas répercuter la hausse des prix du diesel sur l'usager et le consommateur. Cette subvention sera allouée au prorata du nombre de kilomètres effectués. Il suffira de faire des déclarations mensuelles auprès de l'administration compétente. Bien sûr, on ne doit pas perdre de vue le dossier de la SAMIR qui traine depuis des mois sans qu'une solution ne pointe à l'horizon. Le gouvernement se doit de prendre ses responsabilités. Il y va de l'intérêt de centaines d'employés et de travailleurs qui ont passé toute une vie dans cette unité et qui se sont retrouvés subitement dans la rue. Il y va aussi de l'intérêt national tant il est vrai que notre pays a grandement besoin d'une maitrise de son approvisionnement en énergie. Il faut, à cet égard, revenir à l'esprit qui a prévalu lors de la création de la SAMIR en 1959 dans la ferveur et l'euphorie de l'indépendance. Sachant que la privatisation de ce fleuron national s'est effectuée dans des conditions qui restent à élucider, il est de notre devoir aujourd'hui de reprendre cet outil et de le remettre en marche tant il est encore techniquement possible. Ce faisant, l'Etat aura au moins la possibilité de réguler un secteur stratégique pour notre économie et pour sa compétitivité.